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à notre petite patrie, mais aussi bien au vaste empire de la Pensée française ?

Voilà trois questions que nous tenterons de résoudre en quelques mots.

Un peuple qui garde sa langue, conserve son âme. En 1608 Samuel de Champlain enfouissait, dans la terre québecquoise, une simple bouture que la prévoyance de Sully venait d’emprunter à l’arbre généalogique de France. Cette bouture perça les neiges et les glaces d’un hiver pénible, et ses bourgeons, déchirés par les éléments qui rendaient hostile aux étrangers la terre nouvellement acquise, poussèrent quand même leur croissance vers le soleil et vers la vie. Huit personnes seulement restaient dans l’Abitation après le scorbut de 1609. Il fallait peu de chose pour abattre la tige affaiblie, mais les racines s’agrippaient désespérément à la falaise laurentienne. La bouture devint un arbre, et cet arbre grandit, portant l’ombrage de ses rameaux sur tout le parcours du grand fleuve. Ses feuilles, emportées dans les bourrasques de la guerre et dans le tourbillon des aventures, tombèrent au delà même des limites que les aborigènes imposaient aux découvertes. En moins de cent ans le verbe miraculeux sonnait clair et franc du Golfe au Détroit, de la baie d’Hudson à la Louisiane. Quand vint le Traité de Paris, la population française primitive s’était quatorze fois doublée. Depuis