de coups de pieds occultes et souterrains. Certes, il s’était battu jadis à Sainte-Victoire, à l’insu de ses parents ; mais alors on se battait pour rire, sans se fâcher, sans chercher à se faire du mal, tout simplement pour voir qui était le plus fort.
Ne se rappelait-il pas qu’une fois les grands l’avaient amené, après l’école, le long d’une grange isolée, pour le faire battre avec un de ses amis ? Il avait jeté celui-ci par terre, lui avait posé ses genoux sur les bras et le maintenait sous lui en criant aux autres : « Venez m’ôter de dessus. » À Woonsocket, ce n’était plus cela. Chacun cherchait à faire le plus de mal possible.
Quéquienne s’exprimait beaucoup mieux en anglais qu’à son arrivée. Sa prononciation s’était rapidement améliorée. Lorsque son travail de nettoyage était fait et que ses bobines étaient toutes renouvelées, il contait des contes canadiens aux jeunes anglophones qui avaient le loisir d’en écouter et de lui en raconter d’autres, pas canadiens du tout, mais relatant les prouesses d’un Jack quelconque, grand pourfendeur de géants qui ne manquaient jamais de signaler leur présence en disant : « Fee, faw, fum, I smell the blood of an Irishman » ou « an Englishman » selon la nationalité du conteur.
Il avait aussi avec eux des discussions sur les mérites respectifs des diverses races. Pour rien au monde Quéquienne, n’aurait admis qu’un Canadien put être inférieur à qui que ce soit. Il était trop poli pour proclamer ce qu’il croyait être l’incontestable supériorité de sa propre race, mais il répondait assez vertement aux brutales attaques de fanfarons dont la grossièreté n’avait d’égale que leur indécrassable ignorance en fait d’histoire. Les disputes dégénéraient parfois en batailles.