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PREFACE vij


pour ne point faire cette Préface trop longue. Ce qu'on y a exposé suffit pour faire concevoir l'utilité du Livre, & pour convaincre qu'on n'y a rien omis de ce qui étoit nécessaire pour le rendre très-instructif.

Il ne reste plus qu'à parler de la forme qu'on lui a donnée ; ce qui n'est pas la chose la moins à considérer dans un Ouvrage tel que celui-ci, où il faut contenter l'oeil aussi bien que l'esprit. Il ne suffit pas aujourd'hui qu'un Livre soit plein d'érudition & de doctrine ; on veut encore qu'il fasse plaisir à lire, par la beauté du caractere & du papier, par la netteté de l'impression, & par la disposition & la distribution commode des pages. Quelque estimée qu'ait généralement été la première Edition de celui-ci, & quelque beau qu'en fût le caractere, cependant parce que bien des gens l'ont trouvé trop menu, on a jugé nécessaire d'en employer un plus gros dans la seconde, & qui pût convenir à tous les âges, & de le perfectionner encore dans celle-ci. Enfin tout y est si bien proportionné, les caracteres différens en sont si nets & si propres, & le papier si beau, que peu d'Editions pourront le lui disputer.

A l'égard de l'orthographe, c'étoit un point qui paroissoit d'abord assez embarrassant, à cause de la diversité des sentimens qu'il y a en cette matière entre plusieurs bons Auteurs, sur-tout pour ce qui regarde les lettres qui ne se prononcent pas. Car c'est une chose étrange qu'avec tous les soins qu'on se donne depuis si longtemps pour perfectionner, & pour fixer notre Langue, on n'ait pû encore établir une uniformité parfaite sur cet article. Les uns prétendent qu'il faut écrire comme on parle, & supprimer sur le papier les lettres qu'on supprime dans la prononciation. Les raisons qu'ils en apportent sont ; premierement, qu'elles sont inutiles, puisqu'elles ne font point de son, & qu'elles ne se prononcent pas ; secondement, qu'elles sont un écueil pour les Etrangers qui étudient notre Langue, & qui n'ayant point de règle sûre & générale pour discerner les lettres muettes de celles qu'il faut prononcer, s'y trouvent souvent pris, & prononcent Mestre de Camp comme Maistre d'Ecole, ou Maistre d'Ecole comme Mestre de Camp, supprimant ou faisant sonner la lettre s également dans ces deux mots. Les autres conviennent bien de l'embarras qu'il y a pour les Etrangers, si l'on veut conserver ces lettres, mais non pas de leur inutilité. Car servant à marquer l'origine des mots François & le rapport qu'ils ont aux Langues étrangeres dont ils sont dérivés, ils soutiennent qu'elles leur sont essentielles, & d'un très-grand secours pour les entendre. Ils disent que, comme chaque Langue a ses usages & ses difficultés, la nôtre a aussi les siennes, ausquelles ceux qui veulent l'apprendre doivent s'assujétir ; & que ce n'est pas à nous à accommoder notre Langue au goût des Etrangers, mais que c'est aux Etrangers à s'accommoder au goût de notre Langue. Comme ces raisons sont bonnes de part & d'autre, & qu'il y a toujours de l'inconvénient, soit à mettre ces lettres muettes, soit à les supprimer, on avoit pris dans la troisième Edition un milieu, où on croyoit que tout le monde trouveroit son compte. D'un côté, pour contenter ceux qui veulent qu'on les retienne, on les avoit conservées ; de l'autre, pour donner moyen aux Etrangers de les discerner de celles qu'on doit prononcer en parlant, on les avoit mises en caractère différent & plus petit. Ainsi on avoit écrit EsPÉE, COMpTE, pour marquer que la lettre s dans le premier, & la lettre p dans le second, ne se prononcent pas. Cette bizarrerie a déplu ; on s'est donc assujéti dans cette quatrième Edition à l'orthographe du nouveau Dictionnaire de l'Académie Françoise. Le Lecteur jugera par ce trait particulier du soin qu'on a eu d'aplanir toutes les difficultés, & d'aller au devant de tout ce qui pouvoit arrêter les Lecteurs les moins versés dans notre Langue.

Quoi que l'on puisse encore ajoûter d'avantageux sur la nouvelle Edition que nous présentons au Public, il vaux mieux le laisser s'instruire par ses propres yeux, & former de lui-même le jugement qu'il en doit porter, que de le prévenir par des observations qu'il ne manquera pas de faire, si elles sont vraies, & qu'il ne pouroit s'empêcher de désapprouver, si elles étoient trop favorables, ou peu sinceres. Il y a pourtant certains Articles sur lesquels il n'est pas tout-à-fait indifférent de se taire ; c'est à ceux-là que nous allons nous borner.

La première Edition du Dictionnaire de Trevoux fut reçûë si favorablement en Fran-