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ABO ABR

ABOYEUR, s. m. Latrator. Qui aboie. Un chien qui est un grand aboyeur est importun. On appelle aboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui aboient devant lui sans l’approcher.

On le dit aussi singulièrement des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité : Voilà bien des aboyeurs. Il y a des aboyeurs à ses côtés. Ablanc. Jamais bon chien n’aboie à faux ; pour dire qu’un homme sage ne menace pas sans raison, ou qu’un habile homme ne manque pas son coup.


ABR.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’est dans la 192e Lettre à M. Costar, qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre.

Inscribas chartæ quod dicitur Abracadabra.
Sæpius & subter repetas, mirabile dictu,
Doneo in angustum redigatur littera conum.

C’est-à-dire, Abracadabra, & au-dessous Abracadabr, & à la troisième ligne, Abracadab, &c. Mr Voiture a raison de se railler de cette recette, & on auroit de la peine à croire que personne y eût jamais ajoûté foi, si l’on ne savoit d’ailleurs de quels excès l’esprit humain est capable, lorsqu’il s’abandonne à la superstition & à l’amour des nouveautés en fait de Religion.

Abracadabra, étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’Auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien. Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept Cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit d’autres pareilles rêveries. S. Jérôme, dans son Commentaire sur le chap. 3. du Prophète Amos, écrit que le Dieu ΑΒῬΑΞΑΣ est le même que les Payens adoroient sous le nom Mitra ; & l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un Lion couronné de rayon a pour inscription ϺΙΘΡΑΚ ou ΜΙΘΡΑΞ. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de Lions, de Dragons, &c. Les Anciens qui en ont parlé sont S. Irenée, Liv. 1. Ch. 24. de la dernière édition, Tertullien de Praescript. Ch. 46. S. Epiphane haer. 24. num. 7. & 8. S. Jérôme à l’endroit que j’ai cité, Théodoret, haer. & fabul. Liv. 1. Ch. 4. S. Augustin haeres. 4. S. Jean Damascène haer. 24. Tous ces Pères n’attribuent la fable du Dieu qu’à Basilides, & aux Basilidiens. Parmi les Modernes Macarius & Chiflet ont fait des traités sur cet. Baronius, Gassendi, Du Gange, le Père Hardouin dans une Dissertation particulière, le P. Mont-faucon Palaeogr. L. II. Ch. 8. Feuardent, & le P. Massuet dans leurs Notes sur S. Irenée, en font aussi mention,

Le mot qu’on a écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractères Grecs, ΑΒῬΑΞΑΣ, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365. si on l’écrit en Latin :cette faute, qui est dans la plupart des livres, vient de ce que la Lettre Grecque Sigma a la figure d’un C. Latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en Latin, il faut écrire Abrasax, & en lettres Grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second Tome des Annales Ecclésiastiques qu’il falloit lire ΑΒΡΑΣΑΞ, & non pas ΑΒΡΑΞΑΣ. Car dans tous les Pères Grecs qui en parlent ; c’est-à-dire, S. Epiphane, Théodoret, S. Jean Damascène, on lit Ἀβρασὰξ. Il n’y a que dans les Latins qu’on trouve Abraxas, & Abraxan, à l’accusatif. Il est vrai que dans S. Irenée on lit Ἀβραξὰς ; mais nous n’avons qu’en Latin le chapitre où il en parle, & si Ἀβραξὰς y est écrit en Grec, c’est aux Copistes Latins, ou aux Editeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très-facile qu’on ait transporté le Ξ & le Σ. Il paroît même, surtout par S. Jérôme, que c’est l’usage qui avoit fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent


Ἀβραξὰς. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avoit introduit, ou une faute de Graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μϑραξ au lieu de Μϑραϰ.

ABRAHAM. s. m. Abraham, Abrahamus. Nom propre d’un saint Patriarche fils de Tharé, ou comme l’on prononce en Hébreu, Tharahh, & pere d’Isaac, aïeul de Jacob, & par lui pere de tous les Hébreux, qui sont souvent appelés les enfans, c’est-à-dire, les descendans d’Abraham. Dieu tira Abraham de la Chaldée, & le conduisit dans la terre de Chanaan, où il entra à l’âge de 75 ans. Ce Patriarche s’appeloit d’abord Abram, qui signifie Pater excelsus. Après les promesses que Dieu lui fit d’une postérité nombreuse, il lui changea son nom en ajoutant un ה hé, au milieu, le nommant Abraham. Les Rabbins trouvent de grands mystères dans ce hé, ה, ajouté. Nos Interprètes expliquent ce mot en plusieurs manières. Les uns disent que אברהם, Abraham, est la même chose que אב המון, Pere de multitude ; c’est-à-dire d’une nation grande & nombreuse. D’autres disent que c’est אביר המון, Multitude forte, puissante. D’autres croient qu’il est composé de trois mots אב רב & אמון, ce qui signifie Pere d’une grande multitude. D’autres enfin, que c’est une contraction du premier nom de ce Patriarche אברם, Abram, & המון, amon, d’où l’on a dit אברהם c’est-à-dire, Pater excelsus multitudinis ; Pere Haut, c’est-à-dire, glorieux d’une multitude, ou d’une nation nombreuse. La foi d’Abraham est célébre dans l’Ecriture. Dans le même style un enfant d’Abraham est quelquefois un homme fidèle, plein de foi, qui imite la foi d’Abraham. Les Arabes disent Ebrahim, & les Turcs Ibrahim.

ABRAHAMIEN, enne, ou ABRAHAMITE. s. m. & f. Abrahamianus, Abrahamita. Nom de Secte. Les Abrahamites nommés par les Arabes Ibrahimiah, du nom de leur Auteur Ibrahim ou Abraham, parurent sur la fin du second siècle de l’hégire, & au commencement du neuvième de Jesus-Christ, sous l’Empire de Nicéphore en Orient, & de Charlemagne en Occident :ce fut dans Antioche, sa patrie, qu’Ibrahim renouvella la Secte des Paulianistes. Cyriaque, alors Patriarche d’Antioche, lui résista puissamment. D’Herb.

ABRAHAMITES, sont aussi des Moines Catholiques du IXe siècle, qui souffrirent le martyre pour le culte des images sous Théophile, ainsi qu’on le peut voir dans le Continuateur de Constantin Porphyrogénéte, L. III. C. II. & dans Cedrenus.

ABRAME. s. m. Nom d’homme. Abramius. Sozom. L. II C. 16. M. Chappel. 4. Fév.

ABRAMEZ. subst. m. Nom d’homme. Abraames. Chapp. 14. Fév.

ABRÉGÉ, s. m. Sommaire, épitome, racourci ; discours dans lequel on réduit en peu de paroles ce qui est ailleurs plus ample & plus étendu. Epitome. Abrégé de l’Histoire Romaine. Mézerai a fait l’abrégé de sa grande Histoire en trois volumes in quarto.

On dit aussi, Un abrégé des merveilles du monde, quand on veut bien louer une chose, ou une personne qui a toutes sortes de perfections, & où on trouve tout ce qu’on peut voir de beau ailleurs. Orbis miraculum. Les Anglois disent que Londres est l’épitome, ou l’abrégé du monde. L’homme est appellé microcosme ; pour dire qu’il est un abrégé des merveilles de l’Univers. L’amour est la plénitude & l’abrégé de toute la Loi. Port-R. Voici l’abrégé de toute la sagesse, & de toute la folie. Ablanc.

Abrégé, signifie aussi abréviation, retranchement de quelques lettres dans un mot, pour écrire plus promptement, & en moins d’espace. Compendium scribendi. Il est malaisé de déchifrer les abrégés qui sont dans les Bulles, & les signatures de la Cour de Rome. Pelis.

Abrégé, en termes d’Organiste, se dit d’une certaine réduction des touches du clavier de l’orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche qui n’a que deux pieds de long se rapporte à chaque soupape des sommiers, qui sont longs de 4. 5. ou 6. pieds ; ce qui se fait par plusieurs barreaux, pointes & chevilles : d’où vient qu’une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant une orgue, on connoît que les abrégés sont bien faits, lorsque le clavier n’est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lorsqu’il se ferme aisément, & qu’il n’est pas besoin d’enfoncer beaucoup les touches.


Est