Page:Trevoux - Dictionnaire , 1704, T01, A-Cenobitique.djvu/38

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pratique. Le débiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses créanciers. Abandonnement vaut mieux.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d’une ame désintéressée, qui s’abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n’est que l’abnégation ou renoncement de soi-même Fenel.

Abandon, se dit d’ordinaire adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. Direptioni permittere, dare. On a dégarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s’en sert peu, excepté dans le discours familier : mais il n’est pas assez noble pour le style élevé. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité, disant que bandum se prenoit souvent pour arbitrium, pro re de relicta ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c’est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, & la laisser à quiconque voudra s’en emparer.

ABANDONNEMENT, s. m. Délaissement, cession de biens, de terres, &c. Desertio. L’héritier bénéficiaire est déchargé envers les créanciers par l’abandonnement des biens de la succession. G. G. Il signifie encore l’état d’une personne dont le monde s’éloigne. Dans la désertion, & l’abandonnement général de ses amis, il se livre tout entier aux chagrins & aux réflexions de la solitude. S. Evr.

Il signifie, Débauche, prostitution, quand il est mis sans régime. Le pécheur est dans un grand abandonnement, lors qu’il ne sent plus de remords.

ABANDONNER, verb. act. Laisser à l’abandon. Derelinquere, deserere. Dieu n’abandonne jamais les siens au besoin. On a abandonné cette ville au pillage. Il a abandonné le soin de son honneur. Dans les plaisirs on abandonne son cœur & son esprit, on se découvre tout entier. P. de Cl. c’est-à-dire, qu’on s’y montre avec moins de précaution, & c’est là qu’on connoît les mœurs & les inclinations des gens. Le mérite ne sert de rien quand il est abandonné de la fortune. B. Rab.

Il signifie encore livrer en proie. La ville fut abandonnée à la fureur du Soldat. Elle n’ose abandonner son cœur à l’amour. M. Scud.

Abandonner au bras séculier, c’est Renvoyer un Ecclésiastique devant des Juges laiques, pour donner une Sentence de condamnation à peine afflictive sur un cas privilégié.

On le dit aussi de l’Inquisition. Lorsqu’elle a prononcé sur le crime d’hérésie, elle livre les coupables au bras séculier, parce que l’Eglise n’ayant point la puissance temporelle pour infliger la peine de mort, elle implore le secours du Juge temporel, qui ne manque point d’exécuter les Arrêts du saint Office. C’est ce qu’on appelle abandonner au bras séculier.

On l’employe avec le pronom personnel pour exprimer un homme qui est entraîné par ses passions, qui en est devenu l’esclave, qui s’y prostitue absolument. Tradere se, committere se. Quand les gens austères viennent à goûter les voluptés, alors la nature lasse des peines, s’abandonne aux premiers plaisirs qu’elle rencontre. S. Evr. Il s’abandonna à la tristesse & à son désespoir. Il s’est abandonné à la colère & à ses désirs. On dit aussi s’abandonner à la Providence, s’abandonner à la fortune, pour dire se confier à la Providence, à la fortune, & attendre tout de Dieu, ou du hazard & du bonheur. S’abandonner à la joie ; c’est-à-dire, en goûter tout le contentement, & en ressentir tous les plaisirs. S’abandonner à l’oisiveté ; c’est-à-dire, s’éloigner absolument de toutes les affaires, sans vouloir s’occuper d’aucun des exercices honnêtes de la vie. Il faut s’abandonner à son feu, & ne rien refuser de ce que l’imagination présente. Bouh. Il se trouvoit malheureux d’être abandonné à lui-même, & à ses propres pensées, sans avoir quelqu’un qui pût le plaindre, & lui donner de la force. P. de Cl. Il est plus sûr de s’arrêter à l’autorité de l’Église, que de s’abandonner aux foibles efforts de notre misérable raison. Nicol.

Abandonner, signifie encore, Quitter, jetter là. Abjicere. Il abandonna ses armes.

Abandonner, signifie encore, Quitter un


lieu, en sortir. Deserere. Il a abandonné le Pays. On lui fit abandonner la Ville.

Abandonner, signifie encore, Laisser, donner. Dans une Traduction en Prose, où l’on abandonne tous les termes de la Langue au Traducteur, il demeure souvent au-dessous de l’Original. S. Evr. Je vous abandonne cette affaire, je vous en laisse le maître. Je vous abandonne à vous même & à votre propre conduite.

Abandonner, signifie encore, Exposer, commettre à. Abandonner quelqu’un à la haine publique. S’abandonner au danger de perdre la vie pour la Religion.

Abandonner, signifie aussi simplement, Quitter, laisser, renoncer à quelque profession ou à quelque personne. Abandonner une entreprise. Son crédit & sa réputation l’ont abandonné. Les plus sages ne sont pas toujours maîtres d’eux-mêmes, & il y a des momens où leur discrétion les abandonne, c’est-à-dire, qu’elle les quitte, ensorte qu’ils se laissent aller à l’impatience de parler. Ce Marchand a abandonné le commerce. Ce Magistrat a abandonné les affaires pour vivre dans la retraite. Les personnes vaines abandonnent aux ames communes le mérite d’une vie suivie & commune. La Bruy.

Mainte veuve souvent fait la déchevelée,
Qui n’abandonne pas le soin du demeurant. La Font.

On dit en termes de Fauconnerie, Abandonner l’oiseau ; pour dire, le mettre libre en campagne, ou le congédier tout-à fait, & s’en défaire entierement.

On dit proverbialement, N’abandonnez pas les étriez ; pour dire, servez-vous bien des avantages que vous avez, ne les quittez point.

Abandonne’, e’e. part. pass. & adject. Derelictus, destitutus, permissus. Biens abandonnez. L’amitié généreuse court aux personnes abandonnées, pour essuyer leurs larmes. M. Esp. Il faut que vous soyez les plus abandonnez calomniateurs qui furent jamais. Pasc. En ce sens, il signifie, des gens déterminés, & qui ne gardent aucunes mesures pour noircir la réputation d’autrui.

On dit absolument au subst. C’est un abandonné  ; pour dire, un homme perdu & débauché, qui ne donne point d’espérance de conversion. Corruptus, depravatus. On dit aussi une abandonnée ; pour dire une fille prostituée. Je ne veux point brûler pour une fille abandonnée. Mol.

On dit aussi Abandonné des Médecins ; pour dire, que la guérison de quelqu’un est désespérée. Un homme abandonné, signifie un homme sans appui & sans secours. Abandonné à son sens réprouvé. C’est une expression de l’Ecriture, pour désigner un homme qu’on laisse à ses égaremens, & à la perversité de son cœur. On ne doit pas attendre des lumières bien pures, de ceux que Dieu a abandonnés aux ténèbres inséparables des grands crimes. Nicol. On dit aussi, qu’une cause est abandonnée, pour dire, qu’elle est déplorable & insoutenable.

ABAQUE s. m. Abacus. Terme d’Architecture. C’est la partie supérieure, ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Il est quarré au Toscan, au Dorique, & à l’Ionique antique, & échancré sur ses faces aux chapiteaux Corinthien & Composite. Il sert comme de couvercle à la corbeille ou panier de fleurs qu’elle représente. On l’appelle autrement tailloir, parce qu’étant quarré, il ressemble aux assiettes de bois, qu’on nomme Tailloirs. Il se met en plusieurs sortes d’endroits. Ce mot vient du Grec ἄϐαξ, qui signifie buffet, crédence ou table.

ABASSI, ou ABASSIS. subst. m. C’est une monnoye d’argent qui est ronde, & qui a cours en Perse & en Orient, qui vaut environ dix-huit sous six deniers.

ABASSIE, ABASSINIE, ABASSINS. Voyez Abissinie.

ABAsTER, nom d’un des trois chevaux qui tirent le char de Pluton, selon Bocace : il signifie noir. Le second s’appelle METHEUS, obscur, & le troisième NONIUS, tiède.

ABATAGE. s. m. Cæsura, cæsuræ sumptus, impensæ, signifie entre les Marchands de bois, la peine & les frais pour abattre les bois qui sont sur pied. C’est à l’acheteur à payer l’abatage.

ABATANT. s. m. Terme de Marchand de draps : espèce de dessus de table qu’on éleve au fond d’une boutique & à chaque bout des magasins, & qui s’éleve ou s’abat, selon le jour


que l’on veut donner au lieu où l’on vend la marchandise.

ABATARDIR, v. a. Depravare, corrumpere. Corrompre, gâter, altérer la nature de quelque chose, la faire déchoir de son premier état, la faire dégénérer. Il ne se dit qu’au figuré. La misère & l’esclavage ont abâtardi le courage des Grecs. La trop grande avidité des richesses a abâtardi les mœurs.

Il ne se dit guère qu’avec le pronom personnel, & il signifie, Dégénérer, s’avilir, se corrompre. Degenerare, depravari. Toutes les bonnes choses s’abâtardissent avec le temps. Les plantes d’Orient qu’on apporte en Europe s’abâtardissent, & perdent beaucoup de leur bonté. Cette maison s’est abâtardie dans l’oisiveté ; elle ne produit plus de grands hommes. La vertu Romaine s’abâtardit si fort, qu’elle ne put résister à la force des Barbares.

Abatardi, ie. part. pass. & adj. Corruptus, vitiatus.

ABATARDISSEMENT. s. m. diminution de valeur, de mérite, de bonnes qualités. Corruptio, depravatio. Les délices d’un pays causent l’abâtardissement du courage des peuples. Ils sont tombés dans un honteux abâtardissement. Nic.

ABATE’E. En termes de Marine se dit du mouvement d’un Vaisseau en pane, qui arrive de lui-même jusqu’à un certain point, après quoi il revient au vent.

ABATEIS. Vieux mot qui signifioit autrefois Forêt. Il est hors d’usage.

ABATEMENT. s. m. Foiblesse, manque de force. Defectio virium. Ce malade est dans un grand abatement ; les forces lui manquent. Il n’est guère en usage au propre.

Abatement, se dit figurément en Morale. Infractio animi. Cet homme est dans un grand abatement d’esprit depuis le renversement de sa fortune.

ABATEUR. s. m. Qui abat, qui fait tomber. Eversor. Ce Bucheron est un grand abateur de bois. Acad. Fr. Ce qui se dit encore dans le figuré & populairement de celui qui vante ses prouesses, ou qui se glorifie de faire beaucoup de choses au-dessus de ses forces. Cet homme est un grand abateur de bois, ou de quilles.

ABATIS. s. m. Démolition, renversement, ruine. Eversio, demolitio. Il y a eu un grand abatis de maisons par le tremblement de terre. Il y a plusieurs abatis de pierres dans cette carrière. Les carriers appellent ainsi la pierre qu’ils ont détachée, soit celle qui est bonne pour bâtir, soit celle de rebut. Il fut fait un grand abatis de bois en cette forêt par la tempête. Dejectus arborum.

Abatis, signifie, en termes de Vénerie, le chemin que se font les jeunes loups, lorsqu’en allant souvent au lieu où ils ont été nourris, ils abattent l’herbe.

Abatis, se dit aussi d’une grande tuerie de bêtes. Cædes pecorum.. Ce Chasseur a fait un grand abattis de gibier. Ce Boucher fait un grand abattis de bestiaux tous les ans. On dit aussi en cuisine, faire des potages d’abattis d’agneau, d’abattis de poulets d’Inde, &c. pour dire qu’on les fait avec des bouts d’ailes, foies, & autres menues parties & issues de ces volailles. Les Bouchers appellent abattis, les cuirs, graisses, tripes, & autres menues choses des bêtes qu’ils ont tuées.

ABATRE. v. act. Renverser, démolir, faire tomber, coucher par terre. Diruere, evertere. J’abats, tu abats, il abat, &c. Abatre une maison pour la rebâtir. Ce Lutteur a abatu son homme sous lui. Ce Chasseur abat bien du gibier. On abat les noix avec la gaule. On dit qu’il abatit avec sa baguette la tête des pavots. Ablan. Les Moissonneurs ont abatu trois arpens de blé aujourd’hui. Les Bouchers disent abatre le cuir d’un bœuf, pour l’écorcher. Les ennemis en se retirant ont abatu le Château & les fortifications de la Place. Il lui abatit l’épaule d’un coup de hache. Ablanc. Saint Pierre abatit l’oreille de Malchus. Un habile Oculiste a abatu la cataracte qui me couvroit l’œil. Il signifie quelquefois, affoiblir, débiliter. Son corps est atténué & abatu par la vieillesse. S. Evrem. On dit aussi que le café abat les fumées du vin, les vapeurs, pour dire, les rabaisse, les dissipe. On dit aussi que la chaleur, le vent, la poussière s’abatent, pour dire, cessent, tombent, diminuent. On dit qu’un cheval est sujet à