Page:Trevoux - Dictionnaire , 1704, T01, A-Cenobitique.djvu/66

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ADO. ADO. ADR.


le se fait par surprise. Car les indifférens se laissent entraîner sans réflexion dans ces occasions imprévues ; & ceux qui ont d’autres vues, n’osant se hasarder à être les derniers à donner leur consentement au nouveau Pape, se joignent presque malgré eux au torrent qui les emporte. Hist. des Concil. Lorsque le Pape est élu, il est placé sur l’autel, & les Cardinaux vont à l’adoration. C’est le premier hommage qu’on lui rend.

ADORER. v. act. Révérer avec dévotion ; rendre un hommage souverain avec la plus profonde soumission. Adorare. Il n’y a que Dieu seul qu’on doive adorer véritablement. Les Payens adorent les Idoles. Il se met quelquefois sans régime, & alors il signifie, Faire un acte de Religion. Les Israëlites alloient adorer en Jérusalem. Fleury.

Adorer, signifie quelquefois simplement, révérer, respecter, rendre une espèce de culte subalterne, & inférieur à celui qui n’est dû qu’a Dieu. Venerari, colere. Dans ce sens on dit, adorer les Saints, qu’on honore simplement d’un culte religieux ; mais ce culte est d’un ordre inférieur à celui qu’on rend à Dieu ; adorer les reliques, les images, pour lesquelles on a seulement de la vénération. Il y a plusieurs passages, tant dans la Sainte Écriture, que chez les Écrivains Ecclésiastiques, où le mot d’adorer se dit seulement d’un simple honneur qu’on fait à quelqu’un, ou de la vénération qu’on a pour lui. La Reine Esther adora le Roi Assuérus. Le mot d’adorer, en sa plus étroite signification, & en sa première origine, ne signifie autre chose que porter la main à la bouche, Manum ad os admovere ; c’est-à-dire, saluer, faire la révérence, ou baiser les mains.

Cependant quelques nouveaux Critiques ont prétendu que dans une version françoise de l’Ecriture, on ne devoit se servir du mot adorer, que lorsqu’il étoit parlé du culte qui se rend à Dieu seul. Il est vrai que le mot latin adorare, dans l’ancienne édition de la Bible, qui a été traduit par adorer dans les versions françoises, est de lui-même équivoque ; & l’équivoque vient du verbe Hébreu שחה schahha, qui simplement signifie se courber, se prosterner devant quelqu’un pour le saluer. M. Simon au contraire, dans sa réponse aux sentimens de quelques Théologiens de Hollande, Ch. 16, croit qu’on doit conserver toujours le mot d’adorer dans les versions françoises de l’Ecriture, comme un terme consacré & autorisé dans l’Eglise par un long usage. Il ajoute qu’il est facile de remédier à l’équivoque de ce mot par une simple note, & qu’il n’est pas possible de retrancher entièrement les équivoques qui sont dans toutes les Langues, parce qu’il n’y a pas autant de mots, qu’il y a de choses : Res infinitæ, voces finitæ.

En effet, au Ch. 2 de Saint Mathieu, v. 2, où il est dit que les Mages vinrent pour adorer l’Enfant Jésus, il a ajouté cette note à la marge de sa version : le mot d’adorer signifie en général dans l’Ecriture, se mettre à genoux, ou se prosterner devant quelqu’un ; mais quand il est appliqué à Dieu, il signifie une véritable adoration. Sur le vers. 11 du même Chapitre, où il est dit que les Mages se prosternant, adorerent l’Enfant Jésus ; il ajoute cette autre remarque : C’est la manière de saluer qui étoit en usage dans une bonne partie de l’Orient, & plusieurs peuples l’observent encore aujourd’hui à l’égard de leurs Rois. On lit aussi sur ce même endroit, dans la version françoise de toute la Bible, imprimée à Anvers en 1534, avec privilége de Charles V, & l’approbation de quelques Docteurs de Louvain : les Hébreux usent souvent de ce mot adorer, pour honorer avec prosternation de corps, comme on fait encore aux Rois & aux Princes en Orient.

Il est vrai que les Grecs ont deux mots différens pour exprimer l’adoration qu’ils rendent à Dieu, & celle qu’ils rendent aux choses créées. Ils expriment ordinairement la première par le verbe λατρεύειν, & la seconde par προσϰυνεῖν. Ils se servent de ce dernier quand ils parlent de l’adoration des Images, de l’adoration du Livre des Evangiles, & de celle des saints Dons, c’est-à-dire, des symboles du Pain & du Vin, avant qu’ils soient consacrés. Voyez les mots Image, Evangile, Dons.

Adorer, signifie aussi hyperboliquement, avoir beaucoup d’amour, une soumission extrême, ou une admiration aveugle pour quelqu’un. J’adore jusqu’à vos dédains & vos rigueurs.


S. Evr. On adore Virgile dans son Enéide. Je ne saurois adorer toutes vos fantaisies ; c’est-à-dire, je ne les respecte point ; je ne vous applaudis point aveuglément. Cette mère adore ses enfans ; c’est à-dire, Elle les aime éperduement. Les Courtisans adorent les Favoris & ceux dont ils attendent des bienfaits. L’audace est triomphante, & le crime adoré. Breb. Je ne vais point au Louvre adorer la fortune. Boil. C’est peu dire, je l’aime ; Elvire, je l’adore. Corn. Le mérite qui fait adorer les Princes, attire aux particuliers la haine & l’envie. Bouh. Louïs II. Prince de Condé se seroit fait adorer de tout le monde, s’il se fût un peu ménagé. Rochef.

 Et les Rois à genoux venoient de toutes parts,
Adorer la grandeur du Trône des Césars.

God.

 
L’absence ni le temps, je vous le jure encore,
Ne peuvent vous ravir ce cœur qui vous adore.

Racin.

On dit proverbialement, Adorer le Veau d’or ; pour dire, faire bien des soumissions à un homme sans mérite, en considération seulement de ses richesses ; par allusion au Veau d’or qu’adorerent les Israëlites.

ADOS. s. m. Terme de Jardinage. Terre élevée en talus contre une muraille bien exposée. On sème des pois & des féves sur un ados, pour les avancer plus qu’en pleine terre, parce que la réfléxion du soleil échauffe ces talus.

ADOSSER. v. act. Conj. Je m’adossai ; je me suis adossé ; je m’adosserai. Mettre le dos contre quelque chose. Dorsum applicare, dorso incumbere. Il se dit plus ordinairement au figuré en ces phrases. Cette maison est adossée contre l’Eglise, contre la montagne. Ce lit est adossé contre la muraille. Inniti, incumbere, applicari. Lorsqu’il se vit attaqué, il s’adossa contre la muraille.

On dit aussi avec le pronom personnel, s’Adosser contre quelqu’un, pour dire, avoir le dos tourné l’un contre l’autre. Tergum obvertere. Les Soldats s’étant ainsi adossés, ne craignirent plus d’être enveloppés par l’ennemi. Ablanc.

Adosser, se dit aussi en termes de Blason, de ce qui est tourné le dos contre le dos de son pareil. Adversos pingere, ponere. Montbeliard porte d’azur à deux bars adossés d’or : ce sont deux espèces de poissons. On dit aussi adorsé : le contraire est affronté. Il se dit particulièrement des animaux rampans, comme le lion, &c. On le dit en général de tout ce qui a de la longueur, & qui a deux faces différentes : comme des clefs adossées, quand leurs pannetons sont en dehors : des faux adossées, &c. Ce mot vient d’ad & de dorsum.

Adossé, ée, part. pass. & adj. Il a en François comme en Latin la signification de son verbe.

ADOUBER. v. act. Accommoder, boucher des trous dans une fontaine, dans une machine, &c. Reficere. Tous les tuyaux de cette machine sont bien adoubés, elle doit jouer maintenant. On le dit quelquefois des vaisseaux ; mais on se sert plus ordinairement de radouber.

Ce mot vient du Latin adaptare. Du Cange le dérive du mot adobare, qui signifioit autrefois, Armer. Voyez adopter Adapter.

Il signifie figurément, Rajuster, accommoder, mettre en ordre. Ordinare, disponere. On dit au jeu des échets, du triquetrac, & des dames, J’adoube : pour faire entendre qu’on touche une pièce qu’on ne veut pas jouer, mais seulement pour arranger son jeu.

ADOUCIR. v. act. Rendre doux, moins âcre, moins rude ou moins amer, &c. Temperare, rem aliquam dulcem efficere, mollire. On a trouvé le secret d’adoucir l’eau de la mer. Adoucir l’acreté des humeurs. On adoucit la voix, le son des instrumens, en les baissant d’un ton. On adoucit le fer à force de le battre. La pluie adoucit le temps, en le rendant moins froid. On adoucit les métaux par un alliage convenable. Ceux qui travaillent aux glaces de miroir, aux lunettes, &c. ne les polissent qu’après les avoir adoucies. Le mélange adoucit aussi les odeurs, les couleurs, &c. L’aigreur des fruits s’adoucit en mûrissant.

Adoucir, se dit aussi des choses spirituelles, pour signifier, Appaiser, rendre moins fâcheux, & plus supportable ; modérer, tempérer. Mitigare, lenire. Il faut adoucir les termes injurieux ou barbares, quand on est obligé de s’en


servir. On dit que l’amour a inventé la peinture, pour adoucir la douleur de l’absence par la copie des traits de la personne aimée. Felib. La lecture adoucit les ennuis, & les chagrins de la solitude. S. Evr. Il est difficile d’adoucir une humeur si farouche. Id. La joie adoucit, & relâche la tristesse. Dac. On peut adoucir & apprivoiser les lions, & les tigres mêmes ; à plus forte raison peut-on se flatter d’adoucir la fierté naturelle de ce jeune Prince. Ablanc. Il seroit bon d’adoucir la sévérité incommode de la Philosophie, de peur de la rendre haïssable. Port-R. Pour ne point rebuter les pécheurs, vous avez adouci les rigueurs de la pénitence. Pasc. Sur l’Eucharistie. Nos Frères sentant l’impossibilité de l’opinion de Calvin prise à la lettre, l’adoucissent autant qu’ils peuvent. Peliss. A dire le vrai cependant son opinion ainsi adoucie, n’enferme pas moins une contradiction formelle. Id. J’ai tâché d’adoucir son esprit, & de le rendre plus calme. P. de Cl. La soumission adoucit les plus farouches. La patience & la Philosophie adoucissent l’amertume des douleurs.

Il se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie, devenir plus doux. Mitescere. Conj. Je m’adoucis ; je m’adoucissois ; je m’adoucirai. L’hyver s’est adouci ; le froid est moins âpre, & moins violent. Le dépit de ne posséder pas les richesses se console, & s’adoucit, par le mépris que l’on a pour ceux qui les possèdent. Rochef. Les haines & les inimitiés s’adoucissent par le temps. Du R. Il n’y a personne si sauvage qui ne se puisse adoucir. Dac. Le Roi s’adoucit dans la suite, & ne parut plus si irrité. P. de Cl. La fièvre s’adoucit par l’abstinence & le repos.

Adoucir. Terme de Peinture. Mêler les couleurs avec la brosse, ou le pinceau. Expolire picturam. On dit aussi. Adoucir les desseins lavés, & faits avec la plume ; c’est-à-dire, en affoiblir la teinte. Adoucir une peinture, c’est en changer quelques traits, & donner plus de douceur à l’air d’un visage, qui avoit quelque chose de rude. Felib.

Adouci, ie, part. pass. & adj. Temperatus, mitigatus, lenitus.

ADOUCISSEMENT. s. m. L’action d’adoucir. ☞ Il signifie également la chose qui sert à adoucir, & l’état de la chose qui est adoucie. Temperatio, mitigatio. L’adoucissement de la bile, & des humeurs.

Adoucissement, signifie fig. Soulagement, diminution de peine & de douleur. Levamen, levamentum, mollimentum. Rien ne peut apporter d’adoucissement à mes déplaisirs. Il signifie aussi, accommodement, tempéramment, correctif. Ne sçauriez-vous trouver quelque adoucissement pour concilier les esprits ? Les adoucissemens de la confession attirent le monde. Pasc. Il faut chercher quelques adoucissemens, pour exprimer les choses sales & malhonnêtes. Cail. La Reine le priva de certains adoucissemens, que le privilège de son rang lui faisoit regarder comme permis, & que la flatterie lui avoir conseillés comme nécessaires. Flech. Les personnes polies n’expriment qu’avec bien des précautions & bien des adoucissemens, tout ce qui peut faire naître des idées obscènes. S. Evr.

Adoucissement. Terme de Peinture. Expolitio. On s’en sert pour exprimer que les couleurs sont bien noyées ; que les traits ne sont pas tranchés, & qu’il n’y a rien de rude. L’adoucissement des couleurs rend la peinture plus tendre & plus fine.

Adoucissement. Terme d’Architecture. C’est le racordement qui se fait d’un corps avec un autre par un chanfrein, ou par un cavet, comme le congé du fât, d’une colonne, ou lorsque la plinthe d’une base est jointe à la corniche de son piédestal par un cavet.

ADOUE’ES, adj. f. pl. Terme de Fauconnerie, qui se dit des perdrix qui sont pariées & accouplées. Copulatæ.

ADR.

ADRESSANT, ante. adj. m. & f. Qui est envoyé à certain lieu, ou à certaines personnes. Inscriptus. Les lettres de Chancelleries sont toutes adressantes aux Juges ou autres Officiers Royaux.

ADRESSE. s. f. Dextérité, industrie, subtilité, soit de la main, soit du corps. Solertia, ars. Les Charlatans font mille tours avec une adresse merveilleuse. Ce Cavalier fait tous ses exercices avec beaucoup d’adresse ; il a une adresse naturelle pour toutes choses. Les


jeux