Page:Tristan - L’émancipation de la femme, 1846.pdf/27

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quoi de vivant, de pleurant et de saignant, qui n’avait plus de forme tant il était couvert de plaies, de liens, de haillons et d’épines ; et montrant au peuple cet ouvrage de la torture, Ponce-Pilate dit dédaigneusement : Voilà l’homme !

Eh bien cet homme qui alors mourait pour le peuple, on l’adore depuis dix-huit cents ans comme un Dieu ; et l’homme, c’est-à-dire le peuple (car, nous l’avons déjà dit, il n’y a que l’enfant du peuple qui soit un homme, l’autre est un monsieur), eh bien, dis-je, depuis dix-huit cents ans le peuple tout entier ressemble encore au malheureux supplicié que désignait Ponce-Pilate en disant : Voilà l’homme !

Je vous le demande, philanthropes modernes et faiseurs de morale, combien vaut un homme, dans notre société moderne ? Je ne parle pas ici de son travail ni de l’exploitation qu’on en peut faire. Combien vaut la vie d’un homme purement et simplement, et combien la société donnerait-elle pour le sauver ? — S’il est dans la rivière, 15 francs ; s’il est dans la misère, rien !

Le triste ecce homo de Ponce-Pilate avait du moins été payé un peu plus cher.

Qu’est-ce qu’un homme dans la société moderne ? Je ne parle pas du capitaliste ; un capitaliste n’est pas un homme, c’est un propriétaire,