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On lui promet un peu d’or, on lui fait sonner aux oreilles un peu d’argent, que dirai-je ? on va jusqu’à lui jeter dans le ruisseau quelques pièces de cuivre crasseuses et vertes ! La femme se baisse, les ramasse, vous sourit et subit le baiser, plus déplorable encore, qui tue tous les jours en elle la pudeur, cette divinité de la femme, qui, tous les jours sacrifiée, souffre et pleure toujours.

Pour le même prix, si cela amuse mieux, on peut aussi lui cracher à la figure ; elle n’en sera pas plus offensée.

Et cette femme qu’on traite ainsi, née de Pierre plutôt que de Paul, elle pouvait être notre sœur : née un peu plus tôt, elle pouvait être notre mère, et jamais elle ne nous a offensés.

N’importe, c’est une misérable, et l’on peut tout lui faire : il faut qu’elle mange, elle a faim. Ce mot-là seul explique tout.

Les maisons où se fait ce hideux trafic de chair humaine et de honte ont été récemment repeintes à neuf et portent maintenant au milieu du front leur numéro pour enseigne.

Ces établissements payent un droit à la police, sont classés et numérotés, et ont des dossiers au Bureau des mœurs.[1]

  1. On nous assure qu’une femme, fort célèbre parmi ces chefs d’établissement, montre à qui veut le voir un cer-