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affichez le numéro à votre porte, afin que les infâmes qui ont de l’argent sachent qu’il y a là une âme et une chair à vendre.

Je m’adresse au père, car je ne veux pas admettre qu’une mère puisse consentir jamais à livrer ainsi sa fille.

Dans notre société malheureuse, la femme est paria de naissance, serve de condition, malheureuse par devoir, et presque toujours il faut qu’elle choisisse entre l’hypocrisie et la flétrissure.

On va sans doute se récrier qu’il est de dignes femmes, de saintes femmes, contentes de leur sort, parfaitement honorables et justement honorées.

Oui, je le sais, ce sont de sublimes martyres ; elles sont contentes comme Sylvio Pellico était content dans sa prison dure.

Elles ne paraissent pas souffrir parce que leur dignité est plus grande que leurs douleurs, ou parce que jamais elles n’ont songé à leurs droits méconnus, ou parce qu’elles préfèrent la tranquillité de la résignation aux angoisses de la lutte.

Mais demandez à ces anges de la terre si elles ont jamais aimé ; elles vous répondront en regardant le ciel !

Demandez leur si elles sont vraiment heureuses ; elles vous répondront avec la Julie de Rous-