Page:Tristan L’Hermite - Les Amours de Tristan, 1638.djvu/97

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Voſtre courroux me ſeroit moins ſuſpect,
Ie me plaindrois auec plus de reſpect.
Mais de m’auoir eſloigné de Madame,
Mais de m’auoir ſeparé de mon Ame
Sans m’accorder la grace de mourir ;
C’est vn tourment que ie ne puis ſouffrir.
Cette rigueur est vn trop grand ſupplice,
Son ſeul excés vous conuainc d’iniustice.
Außi, Grands Dieux, n’attendez point de moy,
D’Autels, d’Encens, de reſpect, ny de foy,
Et doucement excusez ma furie
Lors qu’il aduient que ie vous iniurie ;
Ma paßion ne ſçait rien de plus doux
Quand ma douleur me fait parler de vous ;
Ie ne ſçaurois en ce point déplorable
Eſtre plus ſage, eſtant ſi miſerable.
S’il vous plaiſt donc qu’embraſſant vos Autels,
Ie me reduiſe au deuoir des Mortels :
Si vous voulez que i’eſtouffe ma plainte,
Et que mon cœur reprenant voſtre crainte,
Vous rende encore des ſoings ſi negligez ;
Rendez Phillis à mes yeux affligez :
Pour voſtre gloire ainſi que pour ma ioye,
Qu’elle reuienne, & que ie la reuoye.
Pourquoy faut-il que cét Aſtre d’Amour
Ne faſſe pas comme l’Aſtre du iour ?
Ce grand flambeau ſi neceſſaire au Monde,
Ne ſe tient pas touſiours caché dans l’onde ;