Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/138

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Elle écrivit une nouvelle lettre à Adela, dans laquelle elle implorait, pour ainsi dire, sa pitié. Nous ne donnerons pas ici sa lettre entière, mais un seul passage fera connaître l’état d’esprit où se trouvait la pauvre fille. « Je sais que vous m’avez jugée et trouvée coupable, » disait-elle. « Je le vois, d’après le ton de votre lettre, bien que vous soyez assez généreuse pour tâcher de me tromper. Mais vous me condamnez parce que vous ne me connaissez pas. Je me sens assurée que je fais ce qui est prudent, et j’ose même dire que je fais mon devoir. Si j’avais refusé l’offre de sir Henry ou toute autre offre du même genre — à toutes il y aurait eu les mêmes objections à faire, — que serais-je devenue ? quel eût été mon avenir ? Je ne parle pas de mon bonheur. Je veux dire : à qui aurais-je été utile ?

« Vous me direz que je n’aime pas sir Henry. Je lui ai dit que je ne l’aimais pas, dans l’acception générale de ce mot. Mais j’apprécie ses grandes qualités, et je l’épouse avec la ferme intention de faire mon devoir, de me sacrifier pour lui s’il en est besoin, et de me rendre utile dans la position où il me placera. Que puis-je faire de mieux ? Vous, Adela, vous ferez mieux. Je sais que vous trouverez mieux à faire que cela. Il serait meilleur d’avoir aimé et d’avoir épousé par amour le plus pauvre des hommes que Dieu a mis sur cette terre. Mais je ne puis plus faire cela. On m’a ôté le pouvoir de le faire. La question, pour moi, était de savoir si je tâcherais d’être utile comme femme, ou si je demeurerais inutile comme fille. Car j’eusse été inutile, et irritable et malheureuse. L’occupation, le tra-