Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/179

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demoiselle Todd, sir Lionel était tenu de lui faire une offre de mariage.

Il est à peu près prouvé qu’on ne touche pas à la boue sans se salir. Mademoiselle Todd y touchait depuis bon nombre d’années et il est indubitable qu’elle n’avait pas échappé à toute souillure. Mais la tache chez elle n’était ni indélébile ni même bien profonde. Elle ne passait pas l’épiderme. C’était une de ces éclaboussures dont l’eau et le savon ont raison. Ajoutons que sa franchise et sa bonté de cœur, ainsi que son amour du prochain, devaient toujours lui fournir, en fin de compte, les moyens de se purifier.

Elle était non-seulement du monde, elle était fort mondaine. Que sir Lionel fût un vieux roué, et qu’elle le sût, cela ne la scandalisait nullement. Il y avait à Littlebath et ailleurs, beaucoup de vieux roués, et mademoiselle Todd les avait plus d’une fois rencontrés sur son chemin. Elle les voyait sans horreur, les accueillait sans honte, et lorsqu’elle en parlait, c’était plutôt en riant qu’en frémissant. Dans son idée, un roué comme sir Lionel s’amenderait par le mariage ; mais elle n’entendait pas que ce fût avec elle. Elle n’était pas femme à se fier à un sir Lionel quelconque.

Elle avait aussi rencontré la rouerie chez les personnes de son propre sexe — si tant est que l’improbité dans les affaires d’intérêt, l’égoïsme, l’indélicatesse, la vanité, l’absence de religion et les faux semblants, de toute espèce, joints à l’âge, peuvent donner droit au titre de rouée. Elle avait été souvent entourée de