Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/411

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— Je le sais, je le sais. Mais, George, vous ne supposiez pas que je comptais vivre avec vous ici. Je n’avais pas cette pensée. Je sais que cela ne se peut pas.

— Quant à moi, je garderai mon logement à Londres. J’aurai juste de quoi n’y pas mourir de faim ; puis, j’essayerai encore une fois du barreau.

— Et vous réussirez. Vous êtes fait pour réussir à la fin ; j’ai toujours senti cela.

— Il faut bien vivre, par un moyen ou par un autre. Il faut avoir une carrière quelconque, et celle-là est la plus à ma portée ; à part cela, je ne désire guère le succès. À quoi bon ? de quoi cela me servirait-il maintenant ?

— Oh ! George !

— Eh bien ! n’est-ce pas la vérité ?

— Ne me dites pas que j’ai brisé votre avenir !

— Je ne dis pas cela. C’est moi qui ai poussé la barque sur l’écueil, — moi seul. Mais elle n’en est pas moins perdue.

— Vous devriez vous efforcer de surmonter cette impression ; vous avez tout l’avenir devant vous.

— J’ai fait mon possible. J’ai cru que je pourrais aimer ailleurs. J’ai dit à d’autres femmes que je les aimais ; mais mes paroles étaient menteuses, et elles le sentaient comme moi. J’ai essayé de penser à autre chose, — à l’argent, à l’ambition, à la politique ; mais je ne puis me soucier de tout cela. Si jamais homme s’est suicidé, c’est bien moi.

Caroline ne pouvait répondre, car elle sanglotait, et les larmes ruisselaient sur ses joues.