Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/415

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Il y pensa, mais sans trop d’ardeur et sans trop de tristesse. Il savait que ces trésors ne devaient lui appartenir ni en totalité ni en partie : son oncle le lui avait annoncé assez clairement. Mais il se rappela aussi qu’il aurait pu les avoir, et ses pensées se reportèrent vers cette entrevue dans laquelle M. Bertram avait cherché à lui arracher la promesse de faire ce qu’au fond, du cœur il souhaitait lui-même si ardemment. La femme aimée, et la fortune aussi, auraient pu être à lui. Si les choses eussent tourné ainsi, il serait en ce moment auprès de Caroline à faire avec elle de splendides projets pour l’emploi de leurs richesses futures. George Bertram n’eût pas été homme, s’il n’avait éprouvé quelque amertume en se disant cela.

Néanmoins, il y avait au fond de son cœur un sentiment d’indépendance satisfaite qui le soutenait. Il pouvait, du moins, se vanter de ne s’être pas vendu ; non pas se vanter tout haut, mais dans le for intérieur, ainsi que nous le faisons tous parfois. Il se sentait dans l’âme des richesses dépassant tout ce que pouvait énumérer M. Pritchett, et un amour intérieur dont l’absence n’eût pu être compensée même par la possession de la femme qu’il aimait. Et ceci n’était point chez lui le résultat de la passion qu’on nomme amour-propre : c’était plutôt une conscience profonde de sa valeur comme homme, — la conscience d’une ferme volonté qui lui prouvait à lui-même qu’il n’était trésor au monde, si grand qu’il pût être, dont l’appât pourrait lui faire dire que le noir est blanc, ou que le blanc est noir.