Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/436

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Il se promenait, en attendant l’arrivée du train, sur la chaussée qui borde la voie ferrée, le chapeau rabattu sur les yeux, les mains enfoncées dans les poches du pantalon, quand M. Stickatit l’aborda.

— Nous aurons de la pluie cette après-midi, dit M. Stickatit, qui n’était pas fâché de montrer que, les affaires finies, il savait s’en dégager et se livrer au charme des conversations ordinaires.

Sir Henry lui lança, de dessous le large abri de son chapeau aux bords rabattus, un regard sombre, et poursuivit sa promenade sans lui répondre. Il n’en était plus à affecter le calme ; les choses avaient été trop loin pour cela. Il ne se souciait plus de sacrifier aux courtoisies et aux grâces du monde. Au fond du cœur, il en voulait à ce petit notaire, et il lui était bien égal de le laisser voir. M. Stickatit se tint pour averti, et ne se hasarda pas à faire d’autres remarques.

Ah oui ! sir Henry pouvait bien négliger les courtoisies et les grâces mondaines, car les soucis et les peines du monde pesaient lourdement sur lui. Celui qui se voit condamné à traverser de vastes étendues de marécage, où il s’enfonce à chaque pas jusqu’au genou, oublie volontiers le cirage verni de ses bottes. Sa seule préoccupation est de savoir s’il pourra sauver sa peau. Sir Henry en était là. Nous pourrions même dire qu’il avait dépassé cette phase d’inquiétude : il était à peu près convaincu qu’il ne sauverait même pas sa peau.

La belle maison d’Eaton-Square lui appartenait toujours, et il était encore le représentant de Battersea au