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§ XXXIX. — Exemples de ces évaluations moyennes qui deviennent une expression idéale des valeurs.

On connaît dans le commerce de toutes les nations plusieurs exemples de ces évaluations fictives en marchandises, qui ne sont pour ainsi dire qu’un langage de convention pour exprimer leur valeur.

Ainsi les rôtisseurs de Paris, les marchands de poisson, qui fournissent de grandes maisons, font ordinairement leurs marchés à la pièce. Une poularde grasse est comptée pour une pièce, un poulet pour une demi-pièce, plus ou moins suivant la saison, et ainsi du reste. — Dans le commerce des nègres vendus aux colonies d’Amérique, on vend une cargaison de nègres à raison de tant par tête de nègre pièce d’Inde. Les femmes et les enfants s’évaluent, en sorte, par exemple, que trois enfants ou bien une femme et un enfant sont comptés pour une tête de nègre. On augmente ou on diminue l’évaluation à raison de la vigueur ou des autres qualités des esclaves, en sorte que tel esclave peut être compté pour deux têtes de nègre.

Les nègres Mandigos, qui font le commerce de la poudre d’or avec les marchands arabes, rapportent toutes les denrées à une échelle fictive dont les parties s’appellent macutes, en sorte qu’ils disent aux marchands qu’ils leur donnent tant de macutes en or. Ils évaluent aussi en macutes les marchandises qu’ils reçoivent, et se débattent avec les marchands sur cette évaluation.

C’est ainsi qu’on compte en Hollande par florins de banque, qui ne sont qu’une monnaie fictive et qui dans le commerce s’évaluent tantôt plus, tantôt moins que la monnaie qu’on appelle florins.

§ XL. — Toute marchandise est un gage représentatif de tous les objets de commerce ; mais plus ou moins commode dans l’usage, suivant qu’elle est plus ou moins facile à transporter et à conserver sans altération.

La variation dans la qualité des marchandises et dans leur prix à raison de cette qualité, qui les rend plus ou moins propres que d’autres à servir de commune mesure, s’oppose aussi plus ou moins à ce qu’elles soient un gage représentatif de toute autre marchandise de pareille valeur.

Cependant il y a, quant à cette dernière propriété, une très-grande différence entre les différentes espèces de marchandises.

Il est évident par exemple qu’un homme qui a chez lui une pièce de toile est bien plus sûr de se procurer quand il voudra une cer-