Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/164

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trèrent dans le commerce et eurent une valeur comparable à celle de toutes les autres denrées. Si quatre boisseaux de blé, produit net d’un arpent de terre, valaient six moutons, l’arpent lui-même qui les produisait aurait pu être donné pour une certaine valeur, plus grande à la vérité, mais toujours facile à déterminer de la même manière que le prix de toutes les autres marchandises, c’est-à-dire, d’abord par le débat entre les deux contractants, et ensuite d’après le prix courant établi par le concours de ceux qui veulent échanger des terres contre des bestiaux, et de ceux qui veulent donner des bestiaux pour avoir des terres. C’est d’après ce prix courant qu’on évalue les terres lorsqu’un débiteur, poursuivi par son créancier, est obligé de lui céder son fonds.

§ LVIII. — Évaluation des terres par la proportion du revenu avec la somme des richesses mobiliaires, ou la valeur contre laquelle elles sont échangées : cette proportion est ce qu’on appelle le denier du prix des terres.

Il est évident que si une terre qui produit un revenu équivalent à six moutons peut être vendue pour une certaine valeur qu’on peut toujours exprimer par un nombre de moutons équivalant à cette valeur, ce nombre aura une proportion déterminée avec celui de six, et le contiendra un certain nombre de fois. Le prix d’un fonds ne sera donc qu’un certain nombre de fois son revenu ; vingt fois si le prix est cent vingt moutons, trente fois si c’est cent quatre-vingts moutons. Le prix courant des terres se règle ainsi par la proportion de la valeur du fonds avec la valeur du revenu, et le nombre de fois que le prix du fonds contient le revenu s’appelle le denier du prix des terres. Elles se vendent le denier vingt, le denier trente, quarante, etc., lorsque l’on paye, pour les avoir, vingt, trente ou quarante fois leur revenu. Il est encore évident que ce prix ou ce denier doit varier suivant qu’il y a plus ou moins de gens qui veulent vendre ou acheter des terres, ainsi que le prix de toutes les autres marchandises varie à raison de la différente proportion entre l’offre et la demande.

§ LIX. — Tout capital en argent, ou toute somme de valeur quelconque, est l’équivalent d’une terre produisant un revenu égal à une portion déterminée de celle somme. Premier emploi des capitaux. Achat d’un fonds de terre.

Replaçons-nous maintenant à l’époque postérieure à l’introduction de l’argent : la facilité de l’accumuler en a bientôt fait la plus recherchée des richesses mobiliaires, et a donné les moyens d’en augmenter sans cesse la quantité par la simple voie de l’économie.