Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/165

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Quiconque, soit par le revenu de sa terre, soit par les salaires de son travail ou de son industrie, reçoit chaque année plus de valeurs qu’il n’a besoin d’en dépenser, peut mettre en réserve ce superflu et l’accumuler : ces valeurs accumulées sont ce qu’on appelle un capital. L’avare pusillanime qui n’amasse l’argent que pour rassurer son imagination contre la crainte de manquer des choses nécessaires à la vie dans un avenir incertain, garde son argent en masse. Si les dangers qu’il a prévus se réalisaient, et s’il était réduit par la pauvreté à vivre chaque année sur son trésor, ou s’il arrivait qu’un héritier prodigue le dépensât en détail, ce trésor serait bientôt épuisé, et le capital entièrement perdu pour le possesseur : celui-ci peut en tirer un parti plus avantageux. Puisqu’un fonds de terre d’un certain revenu n’est que l’équivalent d’une somme de valeur égale à ce revenu répété un certain nombre de fois, il s’ensuit qu’une somme quelconque de valeurs est l’équivalent d’un fonds de terre produisant un revenu égal à une portion déterminée de cette somme : il est absolument indifférent que cette somme de valeurs ou ce capital consiste en une masse de métal ou en toute autre chose, puisque l’argent représente toute espèce de valeur, comme toute espèce de valeur représente l’argent. Le possesseur d’un capital peut donc d’abord l’employer à acheter des terres ; mais il a encore d’autres ressources.

§ LX. — Autre emploi de l’argent en avances pour des entreprises de fabrication et d’industrie.

J’ai déjà remarqué que tous les travaux, soit de la culture, soit de l’industrie, exigent des avances, et j’ai montré comment la terre, par les fruits et les herbes qu’elle produit d’elle-même pour la nourriture des hommes et des bestiaux, et les arbres dont les hommes ont formé leurs premiers outils, avait fourni les premières avances de la culture, et même des premiers ouvrages manuels que chaque homme peut faire pour son usage. Par exemple, c’est la terre qui a fourni la pierre, l’argile et le bois dont on a construit les premières maisons, et avant la séparation des professions, lorsque le même homme qui cultivait la terre pourvoyait à ses autres besoins par son travail, il ne fallait pas d’autres avances : mais lorsqu’une grande partie de la société n’eut que ses bras pour vivre, il fallut que ceux qui vivaient ainsi de salaires commençassent par avoir quelque chose