Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/194

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accumulé de l’économie des siècles qui se sont succédé depuis qu’on commence à cultiver la terre. Cette économie a lieu sans doute, non-seulement sur les revenus des propriétaires, mais encore sur les profits de tous les membres des classes laborieuses. Il est même généralement vrai que, quoique les propriétaires aient plus de superflu, ils épargnent moins, parce qu’ayant plus de loisir, ils ont plus de désirs, plus de passions ; ils se regardent comme plus assurés de leur fortune, ils songent plus à en jouir agréablement qu’à l’augmenter : le luxe est leur partage. Les salariés, et surtout les entrepreneurs des autres classes, recevant des profits proportionnés à leurs avances, à leurs talents, à leur activité, ont, quoiqu’ils n’aient point de revenu proprement dit, un superflu au delà de leur subsistance, et presque tous, livrés à leurs entreprises, occupés à accroître leur fortune, détournés par leur travail des amusements et des passions dispendieuses, épargnent tout leur superflu pour le reverser dans leur entreprise et l’augmenter. La plupart des entrepreneurs de culture empruntent peu, et presque tous ne font valoir que leurs propres fonds. Les entrepreneurs des autres travaux qui veulent rendre leur fortune solide s’efforcent aussi d’en venir là, et à moins d’une grande habileté, ceux qui font leurs entreprises sur des fonds d’emprunt risquent beaucoup d’échouer. Mais, quoique les capitaux se forment en partie de l’épargne des profits des classes laborieuses, cependant, comme ces profits viennent toujours de la terre, puisque tous sont payés ou sur le revenu, ou sur les frais qui servent à produire le revenu, il est évident que les capitaux viennent de la terre tout comme le revenu, ou plutôt qu’ils ne sont que l’accumulation de la partie des valeurs produites par la terre que les propriétaires du revenu ou ceux qui le partagent peuvent mettre en réserve chaque année, sans l’employer à leurs besoins.

§ C. Quoique l’argent soit l’objet direct de l’épargne, et qu’il soit, pour ainsi dire, la matière première des capitaux dans leur formation, l’argent en nature ne forme qu’une partie presque insensible de la somme totale des capitaux.

Nous avons vu que l’argent n’entre presque pour rien dans la somme totale des capitaux existants ; mais, il entre pour beaucoup dans la formation des capitaux. En effet, presque toutes les épargnes ne se font qu’en argent ; c’est en argent que les revenus sont payés aux propriétaires, que les avances et les profits rentrent aux entrepreneurs en tout genre, c’est donc de l’argent qu’ils épargnent, et