Page:Turquety - Poésies religieuses, 1858.djvu/67

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Et leurs tremblantes mains n’osent jeter la sonde,
Tant le flot se hérisse et tant le gouffre est creux.

Et comme un vil feuillage à travers la tourmente,
Ils flottent sans espoir d’un meilleur horizon :
Ils n’ont plus, pour percer la brume environnante,
Que ce frêle regard qu’ils appellent raison.

Mon père, ayez pitié : cette ombre les écrase,
Et puis rien ici-bas ne console les yeux ;
Car la sonde imprudente a soulevé la vase,
Et la mer a cessé de réfléchir les cieux.

Et comme tout frémit, comme la nue est pleine
De ces fortes rumeurs qu’aucun pouvoir n’abat,
Assourdis par l’orage, ils entendent à peine
Cette voix de la mort qui vient de Josaphat.

Mon père, ayez pitié : que vos anges dociles
Étendent sur leur tête un rideau moins profond ;
Ayez pitié d’eux tous défaillants et fragiles,
Ces hommes, ô mon Dieu, ne savent ce qu’ils font.

Flétris dès le berceau par un siècle farouche,
Ils lancent au hasard des paroles d’erreur ;
Et, si l’impur blasphème est encor sur leur bouche,
Ô mon père, il n’est pas dans le fond de leur cœur.