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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

décider assez tôt. Si je ne pars pas ce soir, je suis capable de ne plus vouloir partir du tout.

— Sois tranquille, répondit Tom. Nous avons du temps de reste. Les pirates ne se mettent jamais en route en plein jour. Huck sera ravi d’en être. C’est justement l’homme qu’il nous faut ; il connaît notre repaire mieux que nous.

En effet, Huckleberry Finn, qu’ils rencontrèrent flânant sur la grande place, consentit sans peine à se joindre à eux, car toutes les carrières lui semblaient bonnes, pour peu qu’elles eussent le charme de la nouveauté. Tom exposa son plan de campagne, et il fut décidé qu’ils se retrouveraient à minuit — l’heure de crime — à un endroit désert situé à deux milles au-dessus de la ville. Il y avait là un petit radeau dont on s’emparerait à l’abordage, afin de gagner le repaire. Chacun devait apporter sa canne à pêche et les vivres qu’il pourrait se procurer.

Vers minuit, Tom arriva avec un jambon bouilli et diverses autres provisions. Son premier soin fut de se cacher dans un épais taillis au sommet d’une colline qui dominait le lieu du rendez-vous. Les étoiles brillaient et rien ne bougeait. Il prêta l’oreille ; aucun bruit ne troublait le silence. Alors il siffla doucement. Un coup de sifflet lui répondit du bas de la colline. Il répéta deux fois ce signal avec le même résultat, puis une voix cria :

— Qui va là ?

— Tom Sawyer, le corsaire noir ! Nommez-vous !

— Huck Finn aux mains rouges !

— Joe Harper, la terreur des mers !

C’est Tom qui avait fourni à ses complices ces surnoms empruntés à un de ses livres favoris.

— C’est bien. Donnez le mot d’ordre.

Deux voix caverneuses répliquèrent en chœur :