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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

Tante Polly regarda son neveu dans le blanc des yeux et demeura convaincue.

— Allons, embrasse-moi encore, dit-elle ; dépêche-toi de retourner à l’école ou tu seras en retard, et tâche de ne plus me tourmenter.


Allons, embrasse-moi.
Dès qu’il eut le dos tourné, elle éprouva de nouveaux doutes. Elle courut à une armoire, d’où elle tira la jaquette que Tom portait à son départ pour le repaire des pirates et qui maintenant n’était plus qu’une loque. Au moment de se livrer à une enquête, elle s’arrêta d’un air indécis.

— Non, je n’ose pas, se dit-elle. Pauvre enfant, il a peut-être menti. En tout cas le bon Dieu lui pardonnera ce mensonge-là, j’en suis sûre, car il l’a fait pour me consoler. Mais je ne veux pas regarder, je ne veux pas savoir qu’il a menti.

Elle remit la jaquette dans l’armoire et demeura un instant rêveuse. Deux fois elle allongea le bras pour reprendre le vêtement, et deux fois elle s’abstint. Enfin elle s’arma de courage en se disant : « C’est un mensonge innocent et je ne m’en affligerai pas trop. » Une minute après elle avait fouillé dans la poche et lisait à travers ses larmes le message griffonné sur le bout d’écorce.

— Moi aussi je pourrais lui pardonner maintenant, s’écria-t-elle, quand même il aurait commis un million de péchés !