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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

Au bout d’une minute ou deux une voix, qui parlait très bas, dit :

— Que la peste l’étouffe ! La veuve a encore eu du monde à dîner, les fenêtres du salon sont éclairées.

Huck reconnut la voix de Joe l’Indien.

— Je ne vois pas de lumière, répondit une seconde voix, qui était celle de l’étranger de la maison hantée.

Le cœur de Huck se serra. Il s’agissait donc d’un autre meurtre et non du trésor ? Son premier mouvement fut de fuir ; mais il se rappela que Mme  Douglas avait toujours été très bonne pour lui. Il aurait voulu la prévenir et il savait qu’il n’oserait pas. Il faudrait faire un long détour. Joe l’Indien pourrait le surprendre et l’assassiner par-dessus le marché. Ces pensées lui traversèrent l’esprit durant le court intervalle qui s’écoula entre la remarque de l’étranger et la réponse du métis.

— Tu ne vois rien, riposta ce dernier, parce que le buisson t’en empêche. Tiens, regarde par ici. Vois-tu maintenant ?

— Oui, parbleu, je ne suis pas aveugle. Eh bien, puisqu’elle a du monde, le coup est manqué. Il vaut mieux y renoncer.

— Y renoncer, quand je vais quitter le pays, quand c’est peut-être ma dernière chance ! Je te répète que tu pourras tout rafler ; mais je veux me venger. Son mari m’a rendu la vie dure ! Il était juge de paix, et entre autres choses il m’a condamné à être fouetté : fouetté en face de la geôle, devant toute la ville ; fouetté comme un nègre ! Comprends-tu ? Il m’a joué le mauvais tour çle crever pendant que j’étais en prison ; sa femme reste, elle payera pour lui.

— Tu seras bien avancé lorsque tu l’auras tuée !

— Qui te parle de la tuer ? Lui, je le tuerais, s’il vivait encore ; mais quand on veut se venger d’une femme, on gâte sa beauté, on lui fend le nez en deux, on lui coupe les oreilles comme à une truie…

— Par l’enfer, Joe, c’est une…

— Garde ton opinion pour toi, ce sera plus prudent. Je veux me