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LES RÉVÉLATIONS DE HUCK.

— Oh ! non, non, s’il vous plaît ! N’en dites pas un mot.

Lorsque les jeunes gens se furent éloignés, le vieux Gallois reprit :

— Ah çà, pourquoi donc tiens-tu à ce que l’on ne te remercie pas comme tu le mérites ?

Huck se contenta de répondre :

— J’en sais trop sur le compte de ces hommes et ils me tueraient, pour sûr, s’ils s’en doutaient.

Le Gallois, un peu intrigué, promit de garder le secret, puis il demanda :

— Comment l’idée t’est-elle venue de les suivre ? Tu avais donc des motifs pour les soupçonner ?

Huck garda un moment le silence, il préparait une réponse prudente.

— Voyez-vous, répliqua-t-il, je ne suis pas né coiffé — du moins tout le monde le dit et je crois que c’est vrai. Souvent, lorsque l’idée de ma mauvaise chance me trotte dans la tête, pas moyen de fermer l’œil. C’était comme ça hier au soir. Je ne pouvais pas m’endormir et je me promenais en me demandant pourquoi il y a des gens qui ont de la corde de pendu plein les poches et d’autres qui n’en ont pas un brin. Voilà que j’arrive près de l’atelier du charron qui est derrière la taverne de la Tempérance, et ces deux individus ont passé près de moi. Un d’eux portait quelque chose sous le bras et j’ai pensé que c’étaient des voleurs. Il y en avait un qui fumait et l’autre lui demande du feu ; alors il s’arrête droit devant moi et pendant qu’il allume son cigare, je reconnais l’Espagnol à ses favoris blancs. Celui qui fumait avait des habits tout râpés…

— Quoi, tu as pu voir ses habits à la lueur du cigare ?

— Oui, parce que je l’avais déjà rencontré avec l’Espagnol.

— Alors ils ont continué leur route et tu…

— Je les ai suivis. Ils n’allaient pas très vite et je voulais savoir de quoi il retournait. J’ai marché sur leurs talons jusqu’à l’endroit que