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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

duquel se tenait Tom, déclarèrent que l’assassin ne faisait pas mine de s’éloigner. Il semblait seulement ahuri et perplexe.

— Quel aplomb infernal ! s’écria un des membres du jury populaire. Oh ! les meurtriers commettent toujours de ces bévues-là. Il ne comptait pas trouver tant de monde ici !

La foule s’écarta et le shérif s’avança, tenant Potter par le bras. Le visage du pauvre diable était livide et révélait la peur qu’il ressentait. Lorsqu’il se trouva en face du cadavre du docteur, un tremblement convulsif agita tous ses membres ; il se cacha le visage dans les mains et fondit en larmes.

— Je n’y suis pour rien, mes amis, dit-il en sanglotant, ma parole d’honneur, ce n’est pas moi. Je n’ai jamais voulu le tuer.

— Qui vous accuse ? dit une voix dans la foule. Le coup parut porter. L’ivrogne leva la tête et jeta autour de lui un regard hébété : il aperçut Joe et s’écria :

— Ah, Joe l’Indien, tu m’avais promis…

— Ce couteau est-il à vous ? demanda le shérif, qui tenait à la main la pièce de conviction.

Potter chancela sur ses jambes ; il serait tombé si on ne l’avait pas soutenu et aidé à s’asseoir par terre.

— Quelque chose me disait que si je ne venais pas le chercher…, murmura-t-il.

Puis il leva les bras avec le geste découragé d’un homme qui s’avoue vaincu et ajouta :

— Tu peux leur raconter comment les choses se sont passées, Joe c’est pas la peine de lutter contre le sort…

Alors, Tom et Huckleberry, muets de stupeur, les yeux écarquillés, entendirent l’assassin donner, avec une sérénité imperturbable, une foule de détails mensongers sur le meurtre de la veille. Bien qu’aucun nuage ne ternît l’azur transparent du ciel, ils s’attendaient à chaque