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TANTE POLLY, MÉDECIN.

tient dans un drap mouillé, on le roulait dans une couverture et on le laissait transpirer selon la formule.

En dépit de ce traitement énergique, Tom se montra de plus en plus triste, de plus en plus découragé, de plus en plus énervé. Tante Polly consulta son journal et ajouta au déluge d’eau froide des bains chauds. Tom ne retrouva pas sa gaieté d’autrefois. Tante Polly aida l’hydrothérapie en astreignant le malade à un régime sévère et en lui collant sur la peau divers papiers chimiques. Elle lui fit en outre avaler plus de médecines brevetées qu’il n’en fallait pour guérir ou tuer un cheval.

À la longue, Tom se soumit avec indifférence à une persécution sanitaire contre laquelle il s’était d’abord révolté. Cette phase inattendue de la maladie consterna la vieille dame. À tout prix il importait de vaincre une inertie aussi alarmante. Par bonheur elle entendit alors parler du fameux Élixir réconfortant. Elle s’en procura aussitôt plusieurs flacons. Elle goûta l’élixir et bénit l’inventeur. C’était tout simplement du feu liquide. Elle délaissa l’hydrothérapie et les autres remèdes en faveur de l’élixir. Elle en donna une cuillerée à Tom et attendit le résultat avec une vive anxiété. Le résultat fut tel que l’inquiétude dont elle souffrait depuis plusieurs semaines s’évanouit en un clin d’œil. L’indifférence de Tom semblait vaincue — il s’était mis à danser et à gambader.

— Tu vois, dit tante Polly ; j’ai enfin mis la main sur le bon remède ; rien ne résiste à cela.

Tom, en proie à un incendie intérieur, sentit qu’il serait temps de se réveiller. L’existence négative qu’il menait pouvait convenir à des malheureux qui, comme lui, ne s’intéressaient plus à quoi que ce fût ; mais il commençait à en avoir assez et à trouver qu’on l’assujettissait à des épreuves par trop variées. Il songea donc à se soustraire aux expériences de sa tante et résolut de feindre d’aimer l’élixir réconfortant. Il en demanda si souvent que sa tante finit par l’inviter à se