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LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

servir lui-même et à la laisser tranquille. S’il se fût agi de Sid, elle n’aurait redouté aucun subterfuge ; mais elle se méfiait de Tom et surveilla en cachette le flacon. Elle vit que le niveau de l’élixir s’abaissait avec une régularité satisfaisante et l’idée ne lui vint pas que le malade se servait de la médecine pour guérir une fente qui existait dans le plancher du parloir.

Un jour que Tom était en train d’administrer une dose à la fente en question, le chat jaune de sa tante s’approcha en ronronnant et regarda la cuiller d’un œil plein de convoitise. Tom lui dit :

— N’en demande pas, Roméo, si tu n’en veux pas.


L’élixir réconfortant.

Mais Roméo donna à entendre qu’il en voulait.

— Bien sûr ?

Roméo ronronna.

— Alors je vais te céder ma part, parce que je ne suis pas un goulu. Seulement, si la médecine te déplaît, tu ne t’en prendras qu’à toi ?

Roméo accepta cette condition. Tom le prit d’une main caressante, le tint serré entre ses genoux, lui ouvrit la mâchoire et lui versa dans le gosier une cuillerée de l’élixir. Roméo se dégagea, sauta à une hauteur de deux pieds, poussa un miaulement qui ressemblait au cri de guerre d’un Peau-Rouge et courut à travers la chambre en bondissant par-dessus les meubles ; puis il se dressa sur ses pattes de derrière, exécuta un cavalier seul qu’un maître de danse eût certes admiré, et laissa échapper un second miaulement que Tom regarda comme une