Page:Twain - Un pari de milliardaires, et autres nouvelles.djvu/220

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du gaillard d’arrière (car le bateau était taillé comme un soulier à haut-talon) ; en réalité cette promenade ne comportait qu’une piste de seize pieds de long sur trois de large, car tout le reste du navire était encombré de cordages et inondé par les flots.

Tout cela n’est pas douteux, Si nous considérons que ce petit bateau était un vieux « rafiot », il faut nous rendre à certaines autres évidences. Par exemple, il était infesté de rats et de cancrelats ; par les gros temps, il y avait autant de jeu dans ses jointures qu’entre les doigts de votre main et il prenait l’eau comme un panier. Qui dit « voie d’eau » dit eau dans la cale ; or, de l’eau dans la cale, c’est la mort sans phrases, l’asphyxie à bref délai provoquée par une odeur à côté de laquelle un fromage de Limbourg est un parfum exquis.

D’après ces données rigoureusement exactes, nous pouvons suffisamment nous figurer la vie journalière du grand explorateur. De grand matin il accomplissait ses dévotions devant le reliquaire de la Vierge. Sur le coup de huit heures, il faisait son apparition sur le pont-promenade du gaillard d’arrière. S’il faisait froid, il montait tout bardé de fer, depuis le casque à plume jusqu’à ses talons éperonnés, revêtu de l’armure damasquinée d’ara-