Page:Twain - Un pari de milliardaires, et autres nouvelles.djvu/230

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pale cause de cette lenteur est qu’il avait rencontré le calme plat, et fait le bouchon sur place pendant quatorze jours au beau milieu du Pacifique, à deux milles de la terre. Aujourd’hui, sur « le Havel », je n’entends pas de chansons de mer ; mais sur mon voilier j’en avais les oreilles cassées. — Sur ce bateau se trouvaient une douzaine de jeunes gens — qui doivent être, hélas ! passablement vieux aujourd’hui — et qui avaient la douce habitude de se réunir à l’arrière, chaque soir, au clair de la lune ou des étoiles, pour chanter ces fameuses complaintes ; ils miaulaient jusqu’après minuit, au milieu de ce calme étouffant et morne. Le sentiment de l’à-propos leur manquait totalement, à tel point qu’ils chantaient en chœur : « Au quart ! Bâbord ! » sans s’apercevoir combien ce chant était ridicule et déplacé pendant que nous restions là sans pouvoir avancer dans aucune direction. — Pour comble de grotesque, ils terminaient généralement par cette stance : « Sommes-nous presque arrivés, sommes-nous presque arrivés ? disait la jeune fille en approchant de sa patrie. »

C’étaient de plaisants compagnons que ces jeunes gens, et je me demande ce qu’ils sont devenus. Qui pourrait me le dire ? Et l’éclat, la grâce et la beauté de leur jeunesse, où tout cela a-t-il passé ? Parmi