Page:Twain - Un pari de milliardaires, et autres nouvelles.djvu/27

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sait péniblement ses frais au jour le jour, en un restaurant où les pensionnaires affluaient.

Harris m’en sut tant de gré qu’il persuada à ses clients de me prêter de l’argent ; tous s’empressèrent si bien que je reçus des sommes considérables et pus mener la vie à grandes guides.

J’avais pourtant peur de finir par un beau crac, car, engagé comme je l’étais, il fallait pouvoir traverser le torrent des difficultés ou se noyer irrévocablement. Il n’y a rien de tel que le danger d’un désastre imminent pour donner aux choses et aux situations les plus grotesques un caractère sérieux et sobre qui va même parfois jusqu’au tragique. La nuit, dans l’obscurité, je n’envisageais guère que le côté tragique de ma position ; j’en avais des cauchemars, je gémissais, m’agitais et ne pouvais dormir. Mais, au grand jour, mes idées s’égayaient et je me promenais d’un pas alerte, grisé en quelque sorte par mon bonheur si imprévu.

C’était d’ailleurs bien naturel, car je me sentais maintenant en passe de devenir une des notoriétés de la métropole et mon succès commençait à me tourner la tête.

Impossible de jeter les yeux sur un journal anglais, écossais ou irlandais sans tomber sur un article relatif aux faits et gestes du milliardaire qui