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UNE VIE BIEN REMPLIE

pas les choses du même œil qu’à 50. En effet, sans faire de comparaison avec les forêts de Fontainebleau, Compiègne, Villers-Cotterets qui ont leurs beautés particulières et sont deux ou trois cents fois plus grandes, celle où nous étions commandait l’admiration. Les beaux arbres y étaient nombreux ; des hêtres, hauts de 80 à 100 pieds, formant des clairières comme on en voit une dans le bois de Meudon.

Je erois que tous les amants et amantes de la grande nature doivent aimer la forêt après la mer, et la montagne après la forêt. Je ne parle pas de la plaine, elle n’a de charme que pendant trois mois, de mai à fin juillet, au temps des papillons.

La forêt change complètement d’aspect du printemps à l’automne ; en avril et mai, les fleurs ont soulevé les feuilles sèches qui forment un parterre inimitable. Si l’on s’assied un instant et que l’on regarde à ses pieds, on est surpris du grand nombre de bestioles et d’insectes que l’on voit courir sur les feuilles et sur les chemins, depuis la fourmi, qui porte dans ses mandibules ses œufs ou des brins de paille dix fois plus gros que son corps. Le vol des oiseaux est rapide, soit qu’ils donnent la becquée à leurs petits, soit qu’ils fassent leurs nids ; ils sont pressés, ils chantent ou crient très fort, la pie jacasse sans cesse : « cara-caca », le pivert jette son cri de « pleu pleu énergique ; le joli coucou, à la queue arrondie, lance son « cou-cou » sonore ; heureusement pour les autres oiseaux que sa voix est puissante ; elle leur annonce que l’ennemi de leurs ceufs est là, car ce joli oiseau est ausi gourmand que poltron ; il se laisse poursuivre et battre par un simple moineau ; de plus, il est paresseux ; il ne fait pas de nid ; quand il a envie de pondre il gobe les œufs d’un nid, souvent d’un loriot ou d’un rossignol, laisse les siens à la place (toujours deux œufs) et ne s’occupe plus de rien.

Et les tout petits ; voyez cette nichée de mésanges des bois, appelées « queue de poèle », car elles ont un corps comme le petit doigt et une queue longue comme le doigt ; elles font une douzaine d’œufs ; voyez-les voleter de branche en branche, becqueter les insectes invisibles à nos yeux, toujours caquetant, elles ne se posent pas en place.

Enfin, partout, du sol, des feuilles, de l’écorce des arbres,