Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/106

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voir sans homicide. – Telle qu’elle est, respondit Silvie, avec un peu de rougeur, elle a bien d’assez fort liens, pour ne lascher jamais ce qu’elle estreint une fois.

Elle disoit cecy, en luy reprochant l’infidelité d’Agis, qui l’ayant quelque temps aimée, pour une jalousie, ou pour une absence de deux mois, s’estoit entierement changé, et pour Polemas qu’une autre beauté luy avoit desrobé, ce qu’elle entendit fort bien. Aussi luy repliqua-t’elle : J’advoue, ma sœur, que mes liens sont aisez à deslier, mais c’est d’autant que je n’ay jamais voulu prendre la peine de les nouer. Celadon oyoit avec beaucoup de plaisir leurs petites disputes, et à fin qu’elles ne finissent si tost, il dit à Silvie : Belle nymphe, puis que c’est de vous d’où procede la difficulté de voir ceste admirable fontaine, nous ne vous aurions pas peu d’obligation, si par vous mesmes nous apprenions comme cela est advenu. – Celadon, respondit la nymphe en sousriant, vous avez bien assez d’affaire chez vous, sans aller chercher ceux d’autrui. Toutesfois si la curiosité peut encor trouver place avec vostre amour, ceste parleuse de Leonide, si vous l’en priez, vous en dira bien la fin, puis que, sans estre requise, elle vous a si bien dit le commencement. – Ma sœur, respondit Leonide, vostre beauté fait bien mieux parler tout ceux de qui elle est veue. Et puis que vous me donnez permission d’en dire un effet, je vous aime tant que je ne laisseray jamais vos victoires incogneues, et mesmes celles , que vous desirez si fort que l’on sçache. Toutesfois pour n’ennuyer ce berger, j’abregeray pour ce coup le plus qu’il me sera possible. – Non point pour cela, interrompit le berger, mais pour donner loisir à ceste belle nymphe de vous rendre la pareille. – N’en doutez nullement, repliqua Silvie, mais selon qu’elle me traitera, je verray ce que j’auray à faire. Ainsi de l’une et de l’autre, par leur bouche mesme, Celadon apprenoit