Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/160

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que vous me donnerez ce que je vous demanderay, et mon jugement sera à vostre avantage.

Apres que je le luy eus promis, il me demanda de mes cheveux pour en faire un bracelet, ce que je fis, et apres les avoir serrez dans un papier, il me dit : Or, Astrée, je retiendray ces cheveux pour gage du serment que vous me faites, afin que si vous y contrevenez jamais, je les puisse offrir à la déesse Venus, et luy en demander vengeance. – Cela, luy respondis-je, est superflu, puis que je suis resolue de n’y manquer jamais. Alors avec un visage riant, il me dit : Dieu soit loué, belle Astrée, de ce que mon dessein a reussi si heureusement ; car sçachez que ce que vous m’avez promis, c’est de m’aimer plus que personne du monde, et me recevoir pour vostre fidele serviteur, qui suis Celadon, et non pas Orithie, comme vous pensez. Je dis ce Celadon, par qui Amour a voulu rendre preuve que la haine n’est assez forte pour detourner ses effets, puis qu’entre les inimitiez de nos peres, il m’a fait estre tellement à vous, que je n’ai point redouté de mourir à la porte de ce temple, pour vous rendre tesmoignage de mon affection.

Jugez, sage Diane, quelle je devins lors ; car amour me deffendoit de venger ma pudicité, et toutesfois la honte m’animoit contre l’amour. Enfin apres une confuse dispute, il me fut impossible de consentir à moy-mesme de le faire mourir, puis que l’offense qu’il m’avait faite n’estoit procedée que de m’aimer trop. Toutesfois le cognoissant estre berger, je ne peux plus longuement demeurer nue devant ses yeux, et sans luy faire autre response, je m’en courus vers mes compagnes, que je trouvay desja presque revestues. Et reprenant mes habits sans sçavoir presque ce que je faisois, je m’habillay le plus promptement qu’il me fut possible.

Mais pour abreger, lors que nous fusmes toutes prestes, la dissimulée Orithie se mit sur le sueil