Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/169

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à pitié,
Mesme quand l’amour est extreme,
Comme est celle dont je vous ayme ?
   Ces yeux de qui les mignardises
M’ont souvent contraint d’esperer,
Encores que pleins de faintises,
Veulent-ils bien se parjurer ?
Ils m’ont dit souvent que son coeur
Quitteroit en fin sa rigueur,
Accordant à ce faux langage
Le reste de son beau visage.
 Mais quoy ? les beaux yeux des bergeres,
Se trouveront aussi trompeurs,
Que des cours les attraits pipeurs ?
Doncques ces beautez bocageres,
Quoy que sans fard dessus le front,
Dedans le coeur se farderont,
Et n’apprendront en leurs escoles,
Qu’à ne donner que des paroles ?
   C’est assez, il est temps, la belle,
De finir ceste cruauté
Et croyez que toute beauté,
Qui n’a la douceur avec elle,
C’est un œil qui n’a point de jour,
Et qu’une belle sans amour,
Comme indigne de ceste flame,
Ressemble un corps qui n’a point d’ame.

Ma sœur, interrompit Phillis, je me ressouviens fort bien de ce que vous dites, et faut que je vous fasse rire de la façon dont il parloit à moy, car le plus souvent ce n’estoient que des mots tant interrompus, qu’il eust fallu deviner pour les entendre, et d’or- dinaire, quand il me vouloit nommer, il avoit tant accoustumé de parler à vous, qu’il m’appeloit Astrée. Mais voyez que c’est de nostre