Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/187

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c’est à ton opiniastreté, et non à toy que je pardonne. A ce mot luy baisa la main, et me vint ouvrir la porte, pour me monstrer qu’il en avoit eu la victoire. Et lors voyant ses affaires en si bon estat, je ne les laissay point separer que toutes offenses ne fussent entierement remises. Et Phillis pardonna tellement à son berger, que depuis le voyant en peine extreme de celer le ventre d’Olimpe, qui grossissoit à veue d’œil, elle s’offrit de luy ayder et assister en tout ce qu’il luy seroit possible.

Pour certain, interrompit alors Diane, voilà une estrange preuve de bonne amitié : pardonner une telle offense qui est entierement contre l’amitié, et de plus empescher que celle qui en est cause n’en ait du desplaisir ! Sans mentir, Phillis, c’est trop, et pour moy j’advoue que mon courage ne le sçauroit souffrir. – Si fit donc bien mon amitié, respondit Phillis, et par là vous pouvez juger de quelle qualité elle est. – Laissons ceste consideration à part, repliqua Diane, car elle seroit fort desavantageuse pour vous, puis que de ne ressentir les offenses qui se font contre l’amitié, c’est plustost signe de deffaut que de surabondance d’amour ; et quant à moy, si j’eusse esté des amies de Lycidas, j’eusse expliqué ceste offre au desavantage de vostre bonne volonté. – Ah ! Diane, dit Phillis, si vous sçaviez que c’est que d’aimer, comme de vous faire aimer, vous jugeriez qu’au besoin se cognoist l’amy, mais le Ciel s’est contenté de vous avoir faite pour estre aimée, et non pas pour aymer. – Si cela est, respondit Diane, je luy suis plus obligé d’un tel bien, que de la vie : mais si suis-je capable sans aimer de juger de l’amitié. – Il ne se peut, interrompit Phillis. – J’aime donc mieux m’en taire, respondit Diane, que d’en parler avec une si chere permission. Toutesfois si vous me voulez faire autant de grace qu’au medecin, qui parle et juge indifferemment de toutes sortes