Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/210

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logez ; mais parce qu’il estoit fort tard, ils estoient desja retirez et endormis, et de fortune la chambre où la nymphe fut logée estoit faicte de ceste sorte, et tout aupres de la leur, sans qu’en s’y couchant elle s’en prit garde. Oyant donc murmurer quelqu’un aupres de son lict, car le chevet estoit tourné de ce costé là, afin de les mieux entendre, elle approcha l’oreille à la fente d’un aiz, et par hazard l’un d’eux relevant la voix un peu plus, elle ouyt qu’il respondit ainsi à l’autre : Que voulez-vous que je vous die d’avantage, sinon qu’amour vous rend ainsi impatient ? Et bien, elle se sera trouvée lasse, ou malade, ou incommodée de quelque survenant qui l’aura fait retarder, et faut-il se desesperer pour cela ?

Leonide pensoit bien recognoistre ceste voix, mais elle ne pouvoit s’en ressouvenir entierement, si fit bien de l’autre, aussi tost qu’il respondit : Mais voyez-vous, Climanthe, ce n’est pas cela qui me met en peine, car l’attente ne m’ennuyera jamais, tant que j’espereray quelque bonne issue de nostre entreprise ; ce que je crains, et qui me met sur les espines où vous me voyez, c’est que vous ne luy ayez pas bien fait entendre ce que nous avions deliberé, ou qu’elle n’ait pas adjousté foy à vos paroles.

Leonide oyant ce discours, et recognoissant fort bien celui qui parloit, estonnée, et desireuse d’en sçavoir d’avantage, s’approcha si pres des aiz, qu’elle n’en perdoit une seule parole, et lors elle ouyt que Climanthe respondit : Dieu me soit en ayde avec cet homme. Je vous ay desja dit plusieurs fois que cela estoit impossible. – Ouy bien, dit l’autre, à vostre jugement. – Vrayement, respondit Climanthe, pour le vous faire advouer, et pour vous faire sortir de ceste peine, je vous veux encor une fois redire le tout par le menu.