Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/225

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que d’ores en là vous serez desobeissante envers eux, si vous y contrevenez; et vous sçavez que le Ciel demande plus l’obeissance et la sousmission que tout autre sacrifice, par ainsi ressouvenez vous bien de ce que je vous vay dire.

Le jour que les bacchanales vont par les rues hurlant et tem- pestant, pleines de l’enthousiasme de leur dieu, vous serez en la grande ville de Marcilly, où plusieurs chevaliers vous verront : mais prenez bien garde à celuy qui sera vestu de toile d’or verte, et qui de toute la suite portera la mesme couleur ; si vous l’aimez, je plains dés icy vostre mal-heur, et ne puis assez vous dire, que vous serez la butte de tous desastres et de toutes infortunes, car vous en ressentirez plus encores, que je ne vous en puis dire. – Mon pere, me respondit-elle un peu estonnée, à cela je sçay un bon remede, qui est de ne rien aimer du tout. – Mon enfant, luy repliquay-je, ce remede est fort dangereux, d’autant que non seulement vous pouvez offenser les dieux, en faisant ce qu’ils ne veulent pas, mais aussi en ne faisant pas ce qu’ils veulent ; par ainsi prenez garde à vous. – Et comment, adjousta-t’elle, faut-il que je m’y conduise ? – Je vous ay des-ja dit, luy respondis-je, ce que vous ne devez pas faire, à ceste heure je vous diray ce qu’il faut que vous fassiez.

Il faut en premier lieu, que vous sçachiez que toutes les choses corporelles ou spirituelles ont chacune leurs contraires, et leurs sympathisantes ; des plus petites nous pourrions venir à la preuve des plus grandes. Mais pour la cognoissance qu’il faut que vous ayez, ce discours seroit inutile ; aussi ce que je vous en dis, n’est que pour faire entendre, que tout ainsi que vous avez ce mal-heur contraire à vostre bon-heur, aussi avez vous un destin si capable de vous rendre heureuse, que vostre heur ne se peut representer, et en cela les dieux ont voulu recompenser celuy, auquel ils vous ont sousmise. –