Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/240

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J’en ay prononcé le decret,
Celuy me doit qui me demande ;
Mais demandez, et plaignez vous,
Toute amour est morte entre nous.

La bergere voyant bien qu’il ne demeureroit jamais sans replique à ses demandes, le laissant chanter, luy dit : Et quoy, Corilas, il n’y a donc plus d’esperance en vous ? – Non plus, dit-il, qu’en vous de fidelité, et ne croyez point que vos feintes, ny vos belles paroles me puissent faire changer de resolution. Je suis trop affermi en ceste opiniastreté, de sorte que c’est en vain que vous essayez vos armes contre moy, elles sont trop faibles, je n’en crains plus le coup. Je vous conseille de les esprouver contre d’autres, à qui leur cognoissance ne les fasse pas mepriser comme à moy ; il ne peut estre que vous n’en trouviez à qui le Ciel, pour punir quelque secrette faute, ordonne de vous aimer, et ils vous seront d’autant plus agreables, que la nouveauté vous plaist sur toute chose.

A ce coup la bergere fut à bon escient piqueée, toutesfois feignant de tourner ceste offense en risée, elle luy dit en s’en allant : Que je me mocque de vous, Corilas, et de vostre colere ! Nous vous reverrons bien tost en vostre bonne humeur ! Cependant contentez-vous que je patiente vostre faute sans que vous la rejetiés sur moy. – Je sçay, repliqua le berger, que c’est vostre coustume de vous mocquer de ceux qui vous aiment, mais si l’humeur que j’ay me dure, je vous asseure que vous pourrez long-temps vous mocquer de moy, avant que ce soit d’une personne qui vous aime.

Ainsi se separerent ces deux ennemis. Et Adamas qui les avoit escoutez, ayant cognoissance par leurs noms, de la famille dont ils estoient, eut envie de sçavoir d’avantage de leur affaire, et appelant Corilas par son nom, le fit venir à luy. Et parce que le berger se monstroit estonné de ceste surprise,