Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/272

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que de m’en faire outrage,
Il me tint ce langage :

Un dieu contre mes loix arrogant devenu,
Pour avoir obtenu
D’un serpent la victoire,
Voulut nier ma gloire :
Mais quoy ? d’une Daphné, je le rendis amant,
Pour luy monstrer ma force :

Que si j’ay mis ses feux sous ceste froide escorce,
Juge quel chastiment
Sera le tien Filandre :

Car le feu qui brusla ce dieu si glorieux,
Ne vint que des beaux yeux
D’une nymphe, qu’encor toute insensible il aime :
Mais je veux que le tien
Plus ardent que le sien,
Vienne non d’une nymphe, ains de Diane mesme.

Quand je m’ouys nommer, belles bergeres, je tressaillis, comme si sans y penser j’eusse mis le pied sur un serpent, et sans vouloir attendre d’avantage, je m’en allay le plus doucement que je peux, pour n’estre pas veue, quoy que Daphnis, pour m’y faire retourner, me laissast aller assez loing toute seule. En fin voyant que je continuois mon chemin, elle s’esloigna peu à peu de luy pour n’estre point ouye, et puis vint à toute course me r’attaindre, et avant presque qu’elle eust repris haleine, elle m’alloit criant mille reproches interrompus. Et quand elle peut parler : Sans mentir, me dit-elle, si le Ciel ne vous punit, je croiray qu’il est aussi injuste que vous. Et quelle cruauté est la vostre, de ne vouloir seulement escouter celuy qui se plaint ?– Et à quoy me pouvoit servir, luy dis-je, de demeurer là plus longuement ?– Pour ouyr, me dit-elle, le mal