Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/283

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ils parlerent à Daphnis du mariage d’Amidor, qu’elle rejetta assez loing pour plusieurs considerations qu’elle leur mit en avant. Mais sçachant qu’ils avoient pris ce sujet pour avoir congé de Gerestan, qu’autrement ils n’eussent peu avoir, elle qui se plaisoit en leur compagnie, me le communiqua, et fusmes d’advis qu’il estoit à propos de faire semblant que ceste alliance fust faisable, et sur ceste resolution elle en escrivit à Gerestan, luy conseillant de laisser sa femme pour quelque temps avec nous, afin que nostre amitié fust cause que l’alliance s’en fist avec moins de difficulté, et qu’elle croyoit que toutes choses y fussent bien disposées. Avec ceste resolution Callirée ainsi revestue alla trouver son mary, qui deceu de l’habit, la pris pour son frere, et receut les excuses du sejour de sa femme, estant bien aise qu’elle y fust demeurée pour ce sujet. Jugez, belle bergere, si je n’y pouvois pas bien estre trompée, puis que son mary ne la peut recognoistre.

Ce fut en ce temps, que la bonne volonté qu’il me portoit, augmenta de sorte, qu’il n’y eut plus de moyen de la celer, quelque force qu’il se peut faire, la conversation ayant cela de propre, qu’elle rend ce qui est aimé, plus aimé, et plus hay ce que l’on trouve mauvais. Et recognoissant son impuissance, il s’advisa de me persuader, qu’encor qu’il fust fille, il ne laissoit d’estre amoureux de moy, avec autant de passion, et plus encores que s’il eust esté homme, et le disoit si naifvement, que Daphnis qui m’aimoit bien fort, disoit que jusques à ceste heure elle ne l’avoit jamais recogneue, mais qu’il estoit vray, qu’elle en estoit aussi amoureuse ; ce qu’il ne falloit pas trouver estrange, puis que Filidas, qui estoit homme, aimoit de sorte Filandre,