Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/287

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Daphnis, puis que vous sçavez ainsi le sujet de mon sejour, vous avez bien entre vos mains et ma vie, et ma mort ; mais si vous vous ressouvenez de ce que je vous suis, et quels offices d’amitié vous avez receu de moy, quand l’occasion s’en est présentée, je veux croire que vous aimerez mieux mon bien et mon contentement, que non pas mon desespoir, ny ma ruine. Daphnis pensoit encores parler à Callirée, et avoit opinion que toute ceste crainte fust à cause de Gerestan, qui eust trouvé mauvais, s’il en eust esté adverty, qu’elle fist cest office à son frere, et pour l’en asseurer, luy dit : Tant s’en faut que vous ayez à redouter ce que je sçay de vos affaires, que si vous m’en eussiez advertie, j’y eusse contribué et tout le conseil , et toute l’assistance que vous eussiez peu desirer de moy. Mais racontez moy d’un bout à l’autre tout ce dessein, à fin que vostre franchise m’oblige plus à vous y servir, que la meffiance que vous avez eue de moy ne me peut avoir offensée. – Je le veux, dit-il, ô Daphnis, pourveu que vous me promettiez de n’en dire rien à Diane, que je n’y consente. – C’est un discours, respondit la bergere, qu’il ne luy faut pas faire mal à propos, son humeur estant peut-estre plus estrange que vous ne croiriez pas en cela. – C’est là mon grief, dit Filandre, ayant dés le commencement assez recogneu que j’entreprenois un dessein presque impossible. Car d’abord que ma sœur et moy resolusmes de changer d’habit, elle prenant le mien, et moy le sien, je prevy bien que tout ce qui m’en reussiroit de plus avantageux, seroit de pouvoir vivre plus librement quelques jours aupres d’elle, ainsi desguisée, que si elle me recognoissoit pour Filandre. – Comment ? interrompit Daphnis, toute surprise, comment ? pour Filandre ? et n’estes-vous pas Callirée ?

Le berger qui pensoit qu’elle l’eust auparavant recogneu,