Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

offroit un tres-grand acheminement à la conclusion de ses desirs.

Le matin Daphnis me pria d’aller voir la feinte Callirée, et la vraye demeura aupres de Filidas, afin qu’elle ne s’en doutast. Dieu sçait quelle je devins, quand je sceu tout ce discours. Je vous jure que j’estois si estonnée, que je ne sçavois si ce n’estoit point un songe. Mais ce fut le bon que Daphnis se plaignoit infiniment de moy, que je le luy eusse si longuement celé, et quelque serment que je luy fisse, que je n’en avois rien sceu jusques à l’heure, elle ne me vouloit point croire si enfant, et lors que je luy disois que je pensois que tous les hommes fussent comme Filidas, elle se tuoit de rire de mon ignorance. En fin nous resolusmes, de peur que Bellinde ne voulust disposer de moy à sa volonté, ou que Filidas ne me fist quelque surprise pour Amidor, qu’il ne falloit rien faire à la volée et sans y bien penser ; car, dés lors, par la sollicitation de Daphnis et de Callirée, je promis à Filandre de l’espouser. Et cela fut cause que reprenant ses habits, apres avoir asseuré Filidas, qu’il alloit pour en parler à ses parens, il se retira avec sa sœur vers Gerestan, qui ne prit jamais garde à ceste ruse. Depuis ce temps il fut permis à Filandre de m’escrire ; car, envoyant d’ordinaire de ses nouvelles à Filidas, j’avois tousjours de ses lettres, et si finement, que ny Amidor ne s’en apperceurent jamais.

Or, belles bergeres, jusques icy ceste recherche ne m’avoit guere r’apporté d’amertume, mais, helas ! c’est ce qui s’ensuivit, qui m’a tant fait avaler d’absinthe, que jusques au cercueil il ne faut pas que j’espere de gouster quelque douceur.

Il advint pour mon mal-heur, qu’un estranger passant par ceste contrée me vid endormie à la fontaine des Sicomores, où la fraischeur de l’ombrage, et le doux gazouillement de