Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/319

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la civilité dans les villes, d’interrompre une si bonne compagnie par vostre venue, et puis ne luy rien dire ? Le berger luy respondit en sousriant : Puis que j’ay failly en vous interrompant, moins je continueray en ceste faute, et moindre, ce me semble, sera mon erreur. – Ce n’est pas, respondit Diane, ce qui vous faisoit si tost partir d’icy, mais plustost que vous n’y avez rien trouvé qui merite de vous y arrester. Toutesfois si vous tournez la veue vers ceste belle nymphe, je m’asseure que si vous avez des yeux, vous ne croirez pas d’en pouvoir trouver d’avantage ailleurs. – Ce qui attire quelque chose, repliqua Silvandre, doit avoir quelque sympathie avec elle ; mais il ne vous doit point sembler estrange, n’y en ayant point entre tant de merites, et mes imperfections, que je n’aye point ressenty cest attrait, que vous me reprochez. – Votre modestie, interrompit Leonide, vous fait mettre ceste dissemblance entre nous : mais la croyez-vous au corps ou en l’ame ? Pour le corps, vostre visage et le reste qui se void de vous, vous le deffend, si c’est en l’ame, il me semble que si vous en avez une raisonnable, elle n’est point differente des nostres.

Silvandre cogneut bien qu’il n’avoit pas à parler avec des bergeres, mais avec une personne qui estoit bien plus relevée, qui le fit resoudre de luy respondre avec des raisons plus fermes qu’il n’avoit pas accoustumé entre les bergeres, et ainsi il luy dit : Le prix, belle nymphe, qui est en toutes les choses de l’univers, ne se doit pas prendre pour ce que nous en voyons, mais pour ce à quoy elles sont propres, car autrement l’homme qui est le plus estimé, seroit le moindre, puis qu’il n’y a animal qui ne le surpasse en quelque chose particuliere, l’un en force, l’autre en vistesse, l’autre en veue, l’autre en ouye et autres semblables privileges du corps. Mais