Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/348

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il en donne la persuasion à une bergere constante en toutes ses actions. Et que pour juger de l’un et de l’autre, il a esleu une personne qui ne peut estre partiale : car Silvandre n’est constant ny inconstant, puis qu’il n’a jamais rien aimé. Alors Silvandre, prenant la parole : Puis donc que vous voulez, ô Tircis, et vous, Laonice, que je sois juge de vos differents, jurez entre mes mains tous deux, que vous l’observerez inviolablement, autrement ce ne seroit qu’irriter d’avantage les dieux, et prendre de la peine en vain, Ce qu’ils firent, et lors Hylas commença de ceste sorte :

Harangue de Hylas pour Laonice.

Si j’avois à soustenir la cause de Laonice devant quelque personne desnaturée, je craindrois peut estre que le deffaut de ma capacité n’amoindrist en quelque sorte la justice qui est en elle ; mais puis que c’est devant vous, gentil berger, qui avez un cœur d’homme [je veux dire, qui sçavez quels sont les devoirs d’un homme bien né] non seulement je ne me deffie point d’un favorable jugement, mais tiens pour certain, que si vous estiez en la place de Tircis, vous auriez honte que telle erreur vous pust estre reprochée. Je ne m’arresteray donc point à chercher plusieurs raisons sur ce sujet, qui de luy-mesme est si clair, que toute autre lumiere ne luy peut servir que d’ombrage, et diray seulement, que le nom qu’il porte d’homme, l’oblige au contraire de ce qu’il a fait, et que les loix et ordonnances du Ciel et de la nature luy commandent de ne point disputer d’avantage en ceste cause. Les devoirs de la courtoisie ne luy ordonnent-ils de rendre les bienfaits receus ? Le Ciel ne commande-t’il pas, qu’à