Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/358

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m’a dit avoir demeuré presque toute l’apresdinée en la compagne de la belle bergere Phillis et son serviteur. – Et qui est celuy-la ? respondit incontinent Lycidas. – Je ne sçay pas, continua la bergere, si je sçauray bien dire son nom, il me semble qu’il s’appelle Silandre, ou Silvandre, un berger de moyenne taille, le visage un peu long, et d’assez agreable humeur, quant il luy plaist. – Et qui vous a dit, repliqua Lycidas, qu’il estoit son serviteur ? – Les actions de l’un et de l’autre, respondit-elle, car j’ay passé autrefois par de semblables détroits, et je me souviens encor de quel pied on y marche ; mais dites-moy, si vous sçavez quelque nouvelle de celuy que je cherche, car il se fait nuict, et je ne sçay où le trouver.

Lycidas ne luy peut respondre, tant il se trouva surpris, mais Corilas luy dit, qu’elle suivist ce sentier, et qu’aussi tost qu’elle seroit sortie de ce bois, elle verroit un grand pré, où sans doute elle en apprendroit des nouvelles : car c’estoit là où tous les soirs chacun s’assembloit avant que de se retirer, et que de peur qu’elle ne s’egarast, il luy feroir compagne, si elle l’avoit agreable. Elle qui estoit bien aise de dissimuler encores d’avantage (faignant de ne sçavoir pas le chemin) receut avec beaucoup de courtoisie l’offre qu’il luy avoit faite, et donnant le bon soir à Lycidas, prit le chemin qui luy avoit esté monstré, le laissant si hors de soy, qu’il demeura fort longuement immobile au mesme lieu. En fin revenant comme d’un long évanouyssement, il s’alloit redisant les mesmes paroles de la bergere, auquelles il luy estoit impossible de n’adjouster beaucoup de foy, ne la pouvant soupçonner de menterie.

Il seroit trop long de redire icy les regrets qu’il fit, et les outrages qu’il dit à la fidelle Phillis, tant y a que de toute nuict, il ne fit qu’aller tournoiant dans le plus