Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/361

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luy dit-elle, fiez vous à l’advenir aux paroles de ce berger. Hier il ne vous aimoit point, et à cest’heure il meurt d’amour ; pour le moins, puisqu’il en vouloit tant dire, il devoit commencer de meilleure heure à vous servir, ou attendre encore quelque temps avant que de proferer telles paroles. Silvandre estoit si pres qu’il peut ouyr Phillis, qui le fit escrier de loing : O ma maistresse, bouchez vos oreilles aux mauvaises paroles de mon ennemie. Et puis estant arrivé : Ah ! mauvaise Phillis, lui dit-il, est-ce ainsi que de la ruine de mon contentement, vous taschez de bastir le vostre ? – II est bon là, respondit Phillis, de parler de vostre contentement ; n’avez-vous point avec les autres encor ceste perfection de la pluspart des bergers, qui par vanité se dient infiniment contents et favorisez de leur maistresse, quoy qu’au contraire ils en soient mal traittez ? Vous parlez de contentement ? Vous, Silvandre, vous avez la hardiesse d’user de ces paroles, en la presence mesme de Diane, et que direz-vous ailleurs, puis que vous avez l’outrecuidance de parler ainsi devant elle ?

Elle eust continué, n’eust esté que le berger, apres avoir salué la nymphe, et les bergeres, l’interrompit ainsi : Vous voulez que ma maistresse trouve mauvais que j’aye parlé du contentement que j’ay en la servant, et pourquoy ne voulez-vous pas que je le die, s’il est vray ? – II est vray ? respondit Phillis, voyez quelle vanité ! direz-vous pas encore qu’elle vous aime, et qu’elle ne peut vivre sans vous ? – Je ne diray pas, repliqua le berger, que cela soit, mais je vous respondray bien, que je voudrois qu’il fust ainsi. Mais vous monstrez de trouver si estrange que je die avoir du contentement au service que je rends à ma maistresse, que je suis contraint de vous demander, si vous n’y en avez point. – Pour le moins, dit-elle, si j’y en ay, je ne m’en vante