Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/367

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rien qui me fut plus agreable que les lettres, si est ce que ce m’estoit un continuel supplice, de penser que je ne sçaurois d’où, ny qui j’estois, me semblant que jamais ce malheur n’estoit advenu à nul autre. Et comme j’estois en ce soucy, un de mes amis me conseilla d’enquerir quelque Oracle pour en sçavoir la verité ; car, quant à moy, pour estre trop jeune, je n’avois aucune memoire, non plus que je n’en ay encore, du lieu où j’avais esté pris, ny de ma naissance. Et celuy qui me le conseilloit, me disoit, qu’il n’y avoit pas apparence que le Ciel ayant eu tant de soin de moy, que j’en avois recogneu depuis ma perte, il ne me voulust favoriser de quelque chose d’avantage. Cetamyme sceut si bien persuader, que tous deux ensemble nous y allasmes : et-la response que nous eusmes, fut telle.

Oracle


Tu nasquis dans la terre, où fut jadis Neptune :
Jamais tu ne sçauras celuy dont tu es né,
Que Silvandre ne meure, et à telle fortune
Tu fus par les destins au berceau destiné.

Jugez, belle Diane, quelle satisfaction nous eusmes de ceste response. Quant à moy, sans m’y arrester d’avantage, je me resolus de ne m’en enquerir jamais, puis qu’il estoit impossible que je ne le sceusse sans mourir ; et vesquis par apres avec beaucoup plus de repos d’esprit, me remettant à la conduite du Ciel, et m’employant seulement à mes estudes, ausquelles je fis un tel progrez, que le vieillard Abariel (car tel estoit le nom du pere de celuy qui m’avoit enlevé) eut envie de me revoir avant que de mourir, presageant presque sa fin prochaine. Estant donc arrivé pres de luy, et en ayant receu tout le plus doux traittement que j’eusse sceu desirer, un jour que j’estois seul dans sa chambre, il me