Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/378

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entre elles, afin de se rendre plus aimable à sa maistresse, qui de son costé l’honoroit, comme son merite et sa bonne volonté l’y obligeoient ; mais par ce qu’en la suite de nostre discours nous en parlerons bien souvent, nous n’en dirons pas pour ce coup d’avantage.

S’en retournant donc tous ensemble en leurs hameaux, ainsi qu’ils approchoient du grand pré, où la pluspart des troupeaux paissoient d’ordinaire, ils virent venir de loing Tircis, Hylas, et Lycidas, dont les deux premiers sembloient se disputer à bon escient, car l’action des bras et du reste du corps de Hylas le faisoit paroistre. Quant à Lycidas, il estoit tout en soy-mesme, et le chappeau enfoncé, et les mains contre le dos, alloit regardant le bout de ses pieds, monstrant bien qu’il avoit quelque chose en l’ame qui l’affligeoit beaucoup.

Et lors qu’ils furent assez pres pour se recognoistre, et que Hylas apperceut Phillis. entre ces bergers, d’autant que depuis le jour auparavant il commençoit de l’aimer, laissant Tircis, il s’en vint à elle, et sans saluer le reste de la compagnie, la prit sous les bras et avec son humeur accoustumée, sans autre déguisement de paroles, luy dit la volonté qu’il avoit de la servir. Phillis, qui commençoit de le recognoistre, et qui estoit bien aise de passer son temps, lui dit : Je ne sçay, Hylas, d’où vous peut naistre ceste volonté, car il n’y a rien en moy qui vous y puisse convier. – Si vous croyez, dit-il, ce que vous dites, vous m’en aurez tant plus d’obligation, et si vous ne le croyez pas, vous me jugerez homme d’esprit, de sçavoir recognoistre ce qui merite d’estre servy, et ainsi vous m’en estimerez tant plus. – Ne doutez point, respondit-elle, que comme que ce soit, je ne vous estime, et que je ne reçoive vostre amitié comme elle merite, et quand ce ne seroit pour autre consideration,