Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/403

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le moins il veut quelquesfois dire vray. Si cestre response vous plaist, remerciez en la priere de Hermante ; si elle vous desplaist, ressouvenez.vous de n’en accuser que vous mesme.

Hermante n’avoit point veu ceste lettre, quand il me la donna, et encor qu’il eust bien opinion qu’il y auroit de la froideur, si ne pensoit-il pas qu’elle deust estre si estrange. Il n’en fut pas toutesfois tant estonné que moy, car je demeuray comme une personne ravie, laissanr choir la lettre en terre. Et apres estre revenu à moy, j’enfonce mon chappeau dans la teste, jette les jeux en terre, m’entrelasse les bras sur l’estomac, et à grands pas et sans parler, me mets à promener le long de la chambre. Hermante estoit immobile au milieu, sans seulement tourner les yeux sur moy. Nous demeurasmes quelque temps de ceste sorte sans parler. En fin tout à coup, frappant d’une main contre l’autre, et faisant un saut au milieu de la chambre : A son dam, dis-je tout haut, qu’elle cherche qui l’aimera, à sçavoir s’il manque en Camargue de bergeres plus belles qu’elle, et qui seront bien aises que Hylas les serve. Et puis m’adressant à luy : O que Stilliane est sotte, luy dis-je, si elle croit qie je la vueille aimer par force, et que j’aurois peu de courage, si je me souciais jamais d’elle ! Et que pense-t’elle estre plus qu’une autre ? Voire, elle merite bien qu’on s’en mette en peine. Je m’asseure, Hermante, qu’elle a bien fait la resolue, quand vous avez parlé à elle : ce n’a pas esté pour le moins sans faire les petits yeux, sans se mordre la levre, et sans se frotter les mains l’une l’autre pour les paslir. Que je me mocque de ses affetteries et d’elle aussi, si elle croit que je me soucie non plus d’elle, que de la plus estrangere des Gaules ! Elle ne me sçait reprocher que ma Carlis : ouy, je l’ay aimée, et en despit d’elle je la veux aimer encores, et m’asseure qu’elle recognoistra bien tost son imprudence,