Page:Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/410

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m’en fit distraire, car je sçavois bien que les premieres attaques sont ordinairement soustenues de ceste façon.

Mais pas hazard, lors qu’Aimée me voyant sans paroles, et tant estonné, s’en retourna sans m’en dire d’avantage, il y eut une de ses compagnes qui me voyant ainsi resver s’en vint à moy, et me faisant la mouche, me passa deux ou trois fois la main devant les yeux, et puis se mit à courre comme presque me conviant à luy aller apres. Pour le commencement j’estois encor si estourdy du coup, que je n’en fis point de semblant ; mais quand elle y revint la seconde fois, je me mis à la suivre, et elle, apres avoir tourné quelque temps autour de ses compagnes, s’escarta de la trouppe, et apres s’estre un peu esloignée, feignant d’estre hors d’haleine, se coucha aupres d’un buisson assez touffu. Moy qui la courois au commencement sans dessein, la voyant en terre, et en lieu où elle ne pouvoit estre veue, monstrant de me vouloir venger de la peine qu’elle m’avoit donnée, je me mis à la fouetter, à quoy elle faisoit bien un peu de resistance, mais de sorte qu’elle monstroit que ceste privauté ne luy estoit point desagreable ; mesme qu’en faisant semblant de se deffendre, elle se descouvroit, comme je crois, à dessein, pour faire voir sa charnure blanche, plus qu’on n’eust pas jugé à son visage. Enfin s’estant relevée, elle me dit : Je n’eusse pas pensé, Hylas, que vous eussiez esté si rude joueur, autrement je ne me fusse pas attaquée à vous. – Si cela vous a dépleu, luy respondis-je, je vous en demande pardon ; mais si cela n’est pas, je ne fus de ma vie mieux payé de mon indiscretion que ceste fois. – Comment l’entendez-vous, me dit-elle ? – Je l’entends, luy dis-je, belle Floriante, que je ne veis jamais rien de si beau, que ce que je viens de voir. – Voyez, me dit-elle, comme vous estes menteur. Et à ce